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Pas de consensus sur les cadeaux fiscaux!

24hRubrique L’Invité 24 Heures du 20 avril 2015

« De nombreux opposants craignent les conséquences des importantes pertes fiscales »

Le président du SSP-Vaud, Julien Eggenberger, milite pour que la réforme de la fiscalité des entreprises fasse l’objet d’un débat.

Contrairement à ce que l’Administration cantonale des impôts publiait le 14 mars dans un supplément à 24 Heures, financé et rédigé par ses soins, la réforme de la fiscalité des entreprises (RIE3) proposée par le Conseil fédéral, et déclinée dans le canton de Vaud dans une feuille de route, ne fait pas consensus. Un vaste débat politique existe et de nombreux opposants se sont déjà manifestés. Ceux-ci craignent les conséquences des importantes pertes fiscales prévues, plus de 3 milliards de recettes au niveau national.

Un débat politique doit pouvoir se tenir à propos de la plus vaste réforme fiscale depuis des décennies. Déjà, les communes s’inquiètent des conséquences et ne veulent pas devoir assumer des pertes fiscales découlant d’une baisse des impôts des entreprises décidée plus haut, sachant par avance qu’elles devront ensuite augmenter les impôts des personnes physiques ou couper dans les prestations. Un grand marchandage a commencé pour compenser ces baisses, un exercice qui montre bien l’impact négatif de ce gigantesque cadeau aux grandes entreprises et aux actionnaires ; cadeau qui représente la moitié de toute la fiscalité cantonale des entreprises, soit un montant de 450 millions par année sur 900 pour le canton et les communes et qui concerne surtout les très grandes entreprises et très marginalement les PME. Certes, cette feuille de route comprend quelques éléments positifs (suppression des statuts spéciaux, augmentation du financement patronal de l’accueil de jour et amélioration des allocations familiales soit un total annoncé de 150 millions), mais qui restent encore hypothétiques et ne compensent largement pas la perte fiscale. De plus, ces quelques améliorations n’ont rien à voir avec la fiscalité des entreprises et pourraient très bien être décidées indépendamment du cadeau fiscal aux actionnaires.

Le Syndicat des services publics défend le personnel des services publics et les prestations à la population. Dans ce cadre, il s’oppose à toute baisse de la fiscalité des entreprises, il souhaite éviter de se retrouver dans quelques années dans la même situation que la plupart des autres cantons et communes, qui, après avoir offert des baisses fiscales aux entreprises et aux actionnaires, doivent maintenant procéder à des coupes budgétaires massives et à des hausses de la fiscalité des personnes physiques.

Aujourd’hui déjà, le service public est soumis à un régime strict qui fait que le personnel manque, que de nombreux besoins ne sont pas satisfaits et que les moyens ne suffisent pas pour faire face à l’augmentation de la population. Cette contre-réforme menace gravement le financement du service public et doit donc être critiquée et combattue.

En finir avec les cadeaux et les forfaits fiscaux!

Rubrique « L’invité » 24 Heures, 5 novembre 2014

« La concurrence fiscale, dont les cantons suisses sont les champions, est un poison. »

Les impôts sont le fondement du financement du service public et devrait être un outil de redistribution des richesses. Ils bénéficient à toutes et tous grâce à l’existence des écoles, des services de santé, de sécurité, des prestations sociales ou encore des transports qui sont financés par chacun, selon sa capacité. En réalité, pas vraiment chacun, puisque les plus riches ont la possibilité de négocier un arrangement sur ce qu’ils veulent bien donner aux impôts. En termes techniques, on appelle ça un forfait. En termes politiques, c’est un cadeau ! En effet, quelques milliers de bénéficiaires paient moins de 125 000 francs d’impôts en moyenne alors qu’ils possèdent souvent des fortunes de plusieurs dizaines de millions. Le mécanisme du forfait se base en effet sur un montant correspondant à sept fois la valeur locative du logement et est conditionné à l’absence d’activité lucrative en Suisse, ce qui n’est d’ailleurs pas réellement vérifié.

Au nom de la concurrence fiscale, les partisans des forfaits s’accommodent d’une violation de l’égalité de traitement. Ils racontent aussi que leur suppression entraînerait le départ de nombreux bénéficiaires, et ce alors que l’exemple des cantons qui ont déjà procédé ainsi démontre le contraire. En admettant qu’une partie quitte la Suisse, le fait de taxer « normalement » les autres suffirait à compenser ces départs et provoquerait très probablement une augmentation des recettes, permettant ainsi de renforcer les services bénéficiant à toutes et tous.

La concurrence fiscale, dont les cantons suisses sont les champions, est un poison. Les forfaits fiscaux, mais aussi les exonérations, les statuts spéciaux et les baisses d’impôts pour les plus riches ou pour les entreprises, dont la réforme de la fiscalité des entreprises III est la prochaine étape, sont les outils utilisés pour offrir des conditions avantageuses aux plus riches. Ils leur donnent aussi le pouvoir de prendre en otage la population. Nous n’acceptons pas cet ultimatum, nous revendiquons, collectivement, l’égalité devant l’impôt et nous nous opposons à la concurrence effrénée qui finira par complètement assécher les ressources publiques. Comment justifier que quelques contribuables négocient la base sur laquelle ils paient des impôts ? Comment justifier qu’ils se soustraient à leurs obligations vis-à-vis de la société ?

La spirale de la concurrence fiscale qui diminue les ressources des Etats, provoque l’endettement, la dégradation des services publics et la diminution des prestations sociales doit être enrayée. Dans de nombreuses votations, le choix entre principe et pragmatisme, justice et finances peut être difficile. Or le 30 novembre, il n’y aura pas de dilemme, le pragmatisme et les principes appellent à l’égalité devant l’impôt et à dire stop à la concurrence fiscale. Votons donc la fin des privilèges fiscaux des millionnaires et l’abolition des forfaits fiscaux !

Ecole obligatoire : « A vos ordres ! » 

Billet paru dans La lettre d’infos du SSP-Enseignement n°24 Novembre 2013

Le SSP-Enseignement attendait certes des changements dans la scolarité obligatoire en raison des réformes en cours (LEO, PER, grille horaire,…), mais c’est une véritable remise au pas qu’il constate. Il en a dénoncé ses différentes formes lors d’une séance du Groupe de référence « LEO ».

Depuis ce printemps, le DFJC a édicté plus d’une dizaine de nouvelles directives. Quelques domaines nécessitent effectivement des indications communes valables dans tout le canton, notamment pour garantir une certaine égalité de traitement ; mais l’exercice tourne souvent au dérapage perfectionniste et rigide. Dans le dernier numéro de la Lettre d’info, nous nous opposions aux exigences excessives demandées dorénavant pour les courses, camps et voyages. Depuis, nous avons aussi dû réagir à un projet de « Guide pour l’entretien avec les parents » très infantilisant pour les enseignant-e-s. En voici un exemple qui se passe de commentaire :

«L’enseignant-e fait preuve d’une attitude ouverte et d’une écoute attentive. Il ou elle veille notamment à écouter les parents avec attention et sans jugement. Le questionnement permet à la fois de préciser les paroles de ceux-ci et de leur montrer de l’intérêt.»

Ces excès sont malheureusement encouragés par l’Association des parents d’élèves comme le montrent ses dernières prises de position. Le SSP-Enseignement a défendu l’idée que ce n’est pas en bridant les enseignant-e-s ou/ et leurs directions que l’école ira mieux.

Ces dernières justement contribuent aussi à ce déchaînement bureaucratique en rivalisant d’ingéniosité pour cadrer au plus serré le travail des enseignante- s, en particulier concernant les évaluations. Certaines édictent des précisions à des directives départementales, alors qu’elles n’ont pas à le faire si cela n’est pas prévu expressément. Cela vaut en particulier pour le Cadre général de l’évaluation. Il prévoit, par exemple, qu’ « Au sein de l’établissement, sous la responsabilité du conseil de direction, les enseignants coordonnent le nombre, la fréquence et de la répartition des travaux par une concertation entre collègues d’un même cycle ou d’une même année. » Ce sont donc les enseignant-e-s qui décident du nombre, de la fréquence et de la répartition des travaux. La responsabilité de la direction se borne elle à s’assurer que cette coordination ait lieu. Elle ne peut ni décider d’autres règles concernant le nombre des travaux, ni décréter que les tests doivent être communs et encore moins imposer que tous les travaux d’une volée se déroulent au même moment.

Le SSP-Enseignement a été consulté sur une partie de ces textes. A chaque fois, il a demandé des règles simples et respectueuses de l’égalité de traitement. Il n’a manifestement pas toujours été entendu. Le SSP ne considère pas que la liberté pédagogique des enseignant-e-s inclue le choix de suivre ou non les directives lorsqu’elles sont justifiées et cohérentes. Aujourd’hui il constate que celles-ci sont devenues si nombreuses et complexes qu’il devient difficile de s’y retrouver. Le SSP appelle donc le département à réfréner ses ardeurs reglémentaristes et les directions à renoncer à édicter des précisions inutiles,qui n’ont pour seule fonction que de brider les enseignant- e-s. Cette bureaucratisation, entrave tatillonne et superflue, contribue à la surcharge de travail des enseignant-e-s et nie leur rôle central dans l’école: Estil nécessaire de rappeler qu’ils / elles sont des professionnel-le-s de l’enseignement, formé-e-s et compétent-e-s ? Laissons-les travailler !

Le français, outil à valoriser absolument à l’école

Rubrique « Opinions » 24 Heures, 1er octobre 2012

L’école vaudoise vit une  période dense en changements. L’évolution de  ses  structures offre notamment une  meilleure chance à chacun, mais ne  sert à rien si l’on oublie que l’école a  une mission fondamentale d’enseignement.

Les contenus sont définis par le nouveau Plan d’études romand, dont  la concrétisation dépend essentiellement de la  grille horaire. Celle-ci détermine le temps d’enseignement de  chaque discipline. Or, bien que l’efficacité de  l’enseignement dépende de multiples facteurs, des objectifs ambitieux sont inutiles sans le temps nécessaire pour les mettre en œuvre.

Depuis des décennies, la durée de l’école vaudoise n’a fait que diminuer. Selon une étude de l’Unité de recherche des systèmes pédagogiques (URSP), en  un siècle les élèves vaudois ont «perdu» 2245  heures sur l’entier de  leur  scolarité, soit près de 30%. En Suisse romande, ils sont aujourd’hui parmi ceux qui passent le moins de  temps e n classe (800  heures de  moins que les Valaisans).

Ce sont les heures de français qui ont subi la plus importante diminution, en  particulier au niveau secondaire. C’est aussi une des disciplines qui a connu les plus grands bouleversements dans les méthodes d’enseignement, sans d’ailleurs que l’apport positif de  certains d’entre eux ne soit avéré. A l’heure où un enseignement cohérent est proposé dans le nouveau Plan d’études, la  question du poids de  l’enseignement du français se pose.

En effet, pour que chaque élève puisse profiter pleinement de son  parcours scolaire et qu’il ait les meilleures chances pour la suite, il est impératif d’assurer un apprentissage solide de la langue institutionnelle. La maîtrise du français est nécessaire à la  communication et à l’apprentissage ; elle demeure essentielle à l’acquisition des connaissances, aux moindres tâches quotidiennes, au développement de la créativité et à l’exercice des droits civiques.

Une maîtrise insuffisante devient un  handicap. Une école exigeante ne  laisse pas des élèves s’en aller avec une maîtrise insuffisante de leur principal outil de communication. L’apprentissage formel du français, même lorsqu’il s’agit de la langue maternelle, nécessite du temps.

Si le renforcement du français semble faire l’objet d’un consensus politique large, sa réalisation paraît plus difficile. A l’école primaire, quelques heures de français ont été ajoutées par la nouvelle loi scolaire. Au degré secondaire, l’introduction généralisée de quatre heures d’options pourrait bien coûter des heures de français à  la majorité des élèves, en particulier si l’on se rapporte à l’actuelle voie secondaire générale (ex-prim sup).

C’est pourquoi le SSP demande au  Département de la formation d’augmenter le nombre total d’heures au degré secondaire, et de maintenir ainsi un minimum de six périodes de  français hebdomadaires.

Julien Eggenberger, président SSP-Enseignement

 

 

Vaud : le 4 septembre, on vote sur l’école!

Rubrique Invité 24 Heures

Le 4 septembre, les Vaudois-e-s devront se prononcer sur deux objets scolaires. L’initiative Ecole 2010 et la Loi sur l’enseignement obligatoire. Ils proposent des visions radicalement différentes de l’école publique.

L’organisation de l’école actuelle dans le canton de Vaud date de 1984. Le système scolaire vaudois, avec ses trois filières, est l’un des plus sélectifs du pays, de nombreux cantons connaissant un système à deux filières, à niveaux ou combinant les deux. La répartition, à l’âge dedouze ans, des enfants en trois filières quasiment étanches attribue très tôt à chacun-e une place dans la hiérarchie scolaire et contribue alors largement à déterminer son avenir professionnel et sa place dans la hiérarchie sociale. Ainsi actuellement près d’un tiers des élèves vaudois, parce qu’ils et elles sont stigmatisés, peinent à trouver une solution en fin de scolarité. Pourtant une autre école est possible, basée sur l’exigence et la réussite de toutes et tous les élèves plutôt que sur l’exclusion et la sélection.

L’initiative Ecole 2010, soutenue par le Centre patronal et l’UDC, va ainsi totalement à l’encontre d’une école qui vise à réduire la sélection sociale et à développer la réussite scolaire. Elle est dommageable pour la grande majorité des élèves, en particulier celles et ceux issus de milieux modestes. Elle prévoit, entre autres, de renforcer encore les filières, de généraliser les notes et les moyennes générales depuis l’âge de 6 ans et d’organiser un apartheid scolaire (les élèves seraient regroupés par bâtiment selon leur profil). Elle vise ainsi à maintenir et à consolider la logique élitiste qui a marqué l’école vaudoise durant des décennies. Pour toutes ces raisons, il faut voter NON à l’initiative Ecole 2010.

Quant à la Loi sur l’enseignement obligatoire (LEO), elle ne présente pas la réforme ambitieuse de l’école espérée par le SSP. La LEO introduit notamment un «enseignement consolidé» pour les élèves les plus faibles, ce qui, dans une certaine mesure, perpétue la logique d’exclusion actuelle. Malgré cela, elle offre des améliorations. Elle renforce le système scolaire en rendant l’école enfantine obligatoire et en augmentant le nombre d’heures à l’école primaire dans les disciplines de base (français et mathématiques). En effet, aujourd’hui, un « manque » d’école pèse cruellement sur les élèves moins favorisés, dont les parents sont plus difficilement en mesure de compléter ce qui n’est pas fait en classe. La LEO propose un système plus perméable et plus souple qu’actuellement pour le secondaire. Le passage de trois à deux filières (générale et prégymnasiale) et l’enseignement à niveaux dans trois branches (français, math et allemand) en voie générale sont moins stigmatisants et plus adaptés à chaque élève (un enfant peut être bon dans une branche et moins dans une autre). Plusieurs passerelles existeront entre les voies et les niveaux. . Finalement, le meilleur statut des enseignant-e-s du primaire représente un autre point de satisfaction. Ainsi nous sommes convaincus que statu quo n’est pas défendable. Partant du principe qu’il ne faut pas passer à côté d’une occasion de faire un pas, même modeste, vers une école moins sélective, nous appelons à voter OUI à la LEO.

Julien Eggenberger, enseignant, président SSP – région Vaud