Rubrique « L’invité » 24 Heures, 5 novembre 2014
« La concurrence fiscale, dont les cantons suisses sont les champions, est un poison. »
Les impôts sont le fondement du financement du service public et devrait être un outil de redistribution des richesses. Ils bénéficient à toutes et tous grâce à l’existence des écoles, des services de santé, de sécurité, des prestations sociales ou encore des transports qui sont financés par chacun, selon sa capacité. En réalité, pas vraiment chacun, puisque les plus riches ont la possibilité de négocier un arrangement sur ce qu’ils veulent bien donner aux impôts. En termes techniques, on appelle ça un forfait. En termes politiques, c’est un cadeau ! En effet, quelques milliers de bénéficiaires paient moins de 125 000 francs d’impôts en moyenne alors qu’ils possèdent souvent des fortunes de plusieurs dizaines de millions. Le mécanisme du forfait se base en effet sur un montant correspondant à sept fois la valeur locative du logement et est conditionné à l’absence d’activité lucrative en Suisse, ce qui n’est d’ailleurs pas réellement vérifié.
Au nom de la concurrence fiscale, les partisans des forfaits s’accommodent d’une violation de l’égalité de traitement. Ils racontent aussi que leur suppression entraînerait le départ de nombreux bénéficiaires, et ce alors que l’exemple des cantons qui ont déjà procédé ainsi démontre le contraire. En admettant qu’une partie quitte la Suisse, le fait de taxer « normalement » les autres suffirait à compenser ces départs et provoquerait très probablement une augmentation des recettes, permettant ainsi de renforcer les services bénéficiant à toutes et tous.
La concurrence fiscale, dont les cantons suisses sont les champions, est un poison. Les forfaits fiscaux, mais aussi les exonérations, les statuts spéciaux et les baisses d’impôts pour les plus riches ou pour les entreprises, dont la réforme de la fiscalité des entreprises III est la prochaine étape, sont les outils utilisés pour offrir des conditions avantageuses aux plus riches. Ils leur donnent aussi le pouvoir de prendre en otage la population. Nous n’acceptons pas cet ultimatum, nous revendiquons, collectivement, l’égalité devant l’impôt et nous nous opposons à la concurrence effrénée qui finira par complètement assécher les ressources publiques. Comment justifier que quelques contribuables négocient la base sur laquelle ils paient des impôts ? Comment justifier qu’ils se soustraient à leurs obligations vis-à-vis de la société ?
La spirale de la concurrence fiscale qui diminue les ressources des Etats, provoque l’endettement, la dégradation des services publics et la diminution des prestations sociales doit être enrayée. Dans de nombreuses votations, le choix entre principe et pragmatisme, justice et finances peut être difficile. Or le 30 novembre, il n’y aura pas de dilemme, le pragmatisme et les principes appellent à l’égalité devant l’impôt et à dire stop à la concurrence fiscale. Votons donc la fin des privilèges fiscaux des millionnaires et l’abolition des forfaits fiscaux !