Catégorie : Textes politiques

Variole du singe : une urgence sanitaire qui appelle des réponses !

Interpellation déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 23 août 2022

Depuis le mois de mai 2022, le virus de la variole du singe se répand en Suisse. Il impacte principalement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Si certaines personnes atteintes connaissent une forme bénigne, d’autres souffrent de séquelles durables. La situation est donc inquiétante et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré un état d’urgence sanitaire de portée internationale. A ce jour, la réponse sanitaire suisse est tout à fait insuffisante. Le vaccin n’est pas autorisé et les tests sont difficiles d’accès, alors que de nombreux pays européens donnent accès, souvent gratuitement, aux tests et aux vaccins. La Suisse n’a pas avancé d’un pouce dans la lutte contre la variole du singe. La faîtière Pink cross revendique à raison que le Conseil fédéral déclare immédiatement la « situation particulière », commande de manière centralisée des vaccins et des médicaments et permettent en particulier aux groupes à risques de se protéger de la variole du singe. Dans le canton de Vaud, la Cheffe du DSAS indique dans le quotidien 24 Heures du 20 août que notre canton est un des plus touchés et que le canton entend se procurer des doses de vaccins auprès du fabricant directement, des contacts avec Bavarian Nordic ayant lieu. C’est une démarche à saluer car le vaccin peut éviter que la variole du singe ne se propage de manière trop forte. Par ailleurs, si la variole du singe concerne actuellement surtout des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes – selon la cheffe du DSAS, 57 personnes sur 59 personnes touchées dans le Canton-, il est à craindre que cette pathologie concerne à terme l’ensemble de la population.

Convaincu-e-s qu’il est du devoir de notre canton de tout mettre en œuvre pour répondre à cette urgence sanitaire, les soussigné-e-s ont l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’État :

  1. Quelle est l’évolution de l’ampleur de l’épidémie de variole du singe dans le canton ?
  2. Comment s’explique le retard de la Confédération dans la mise à disposition d’un vaccin en comparaison avec les autres pays européens ?
  3. Quelles sont les mesures mises en place par le canton ?
  4. Si l’épidémie devait se renforcer, quelles sont les autres mesures envisageables ?

Julien Eggenberger, membre du Grand Conseil – groupe socialiste

Suppression de l’impôt anticipé : conséquences pour le canton ?

Interpellation déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 31 mai 2022

Le Parlement a décidé de supprimer l’impôt anticipé sur les intérêts des obligations. Cette réforme sera soumise au vote du peuple en septembre 2022. Selon la Confédération, les pertes fiscales pourraient aller jusqu’à 800 millions de francs.

Les cantons perçoivent 10% du produit de l’impôt anticipé. En 2021, notre canton a reçu 93 millions de la Confédération dans ce cadre. L’acceptation de la réforme entraînerait donc une baisse de recettes annuelles pour l’État. De plus, en raison du fonctionnement de l’impôt anticipé, qui peut être récupéré durant trois ans après sa perception moyennant de prouver qu’on a correctement déclaré le revenu en question, la suppression entraîne un coût unique au moment de son entrée en vigueur. Ce coût unique est chiffré à 1 milliard par la Confédération, qui indique que « Pour ce qui est des cantons (qui supporteront le manque à gagner à raison de 10 %), les conséquences budgétaires dépendront de leurs provisions. ».

Par ailleurs, le rôle de « garantie » de l’impôt anticipé est prévu pour que les investisseurs déclarent correctement leurs revenus de placements. S’ils ne le font pas, 35 % de ces gains vont quand même dans les caisses de l’État. Supprimer cet impôt anticipé revient donc à donner carte blanche à la fraude fiscale pour les riches de Suisse et de l’étranger, au détriment de la collectivité. Mais le projet contient aussi une inégalité de traitement crasse, car les gens qui ont un compte d’épargne ordinaire resteront soumis à l’impôt anticipé.

En juillet 2020, dans sa réponse à la consultation, le Conseil d’État vaudois avait d’ailleurs indiqué: « Nous exprimons nos inquiétudes à propos des incidences financières de la réforme du droit de l’impôt anticipé pour la Confédération et les cantons ». A noter que les conséquences financières envisagées au moment de la consultation, dans un environnement de taux très bas, sont sans commune mesure avec les conséquences financières qui risquent d’intervenir dans un environnement de taux d’intérêts en croissance tel que nous le connaissons

Convaincu-e-s qu’il est de l’intérêt public de limiter les conséquences financières d’une telle réforme fiscale, les soussigné-e-s ont l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’État :

  1. Comment le Conseil d’État évalue-t-il la décision d’une suppression de l’impôt anticipé ?
  2. Quelles pertes récurrentes et quelle perte unique la réforme soumise en votation entraînerait-elle pour le Canton de Vaud ?
  3. Le Conseil d’État peut-il indiquer comment ces pertes augmentent ou diminuent selon les taux d’intérêt du moment ?
  4. Le Conseil d’État estime-t-il que la suppression de la fonction d’impôt de garantie posera des problèmes particuliers (malhonnêteté fiscale plus élevée) ?
  5. Le Conseil d’État maintient-il son inquiétude quant aux conséquences financières de la réforme ?
  6. Au vu de ces conséquences financières, comment le Conseil d’Etat envisage-t-il de compenser le manque à gagner ?

Assurer un suivi adéquat aux enfants et adultes malades du cancer dans l’ensemble du canton

Interpellation déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 31 mai 2022

Le 23 septembre 2021, le quotidien 24 Heures informait d’une crise financière à la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) et de la suppression d’un tiers des postes de cette organisation. Il s’agit en fait principalement d’une suppression d’une grande partie du service social pour la région lausannoise. Cette décision a occasionné le non-remplacement de 4.7 EPT et le licenciement de 7 personnes, des personnes particulièrement qualifiées et expérimentées pour cette mission. Cette situation est dénoncée par le Syndicat des services publics SSP qui est mandaté pour soutenir le personnel. S’ajoutant à ces licenciements abrupts, la restructuration de la LVC a impliqué le départ de 5 collaboratrices supplémentaires entre juillet 2021 et février 2022 dont un seul poste sera repourvu. Au total, les 7,9 EPT manquantes impliquent un important déficit de personnel au sein de l’association, mettant en péril les missions qu’elle est responsable de mener à bien. Ces EPT manquants se cumulent à plusieurs absences non remplacées (4 congés maternité, 1 arrêt maladie longue durée). Comment cette restructuration va-t-elle impacter le suivi des adultes et des enfants malades du cancer ?

Une personne malade du cancer va rencontrer différentes difficultés ce qui requiert un suivi social de qualité. Car la maladie précarise :

La maladie et ses traitements implique souvent un bouleversement de la vie du ou de la patiente ainsi que de sa famille. Tout d’abord les conséquences sur l’activité professionnelle rémunérée des personnes touchées par la maladie sont multiples : arrêts de travail, démarches auprès des assurances perte de gain, accès au chômage ou à l’aide sociale, démarches auprès de l’assurance invalidité, etc. L’accès à ces prestations engendre de nombreuses démarches lourdes, chronophages et complexes que le ou la malade n’est souvent pas en mesure de réaliser seule. Ainsi, le soutien d’un-e assistante sociale spécialisée dans les problématiques oncologiques ayant accès aux soignant-e-s directement à l’hôpital, se révèle indispensable.

Malgré l’accès à des prestations sociales, le budget des personnes concernées est pratiquement toujours impacté. Ainsi, les patient-e-s et leurs proches sont confrontées à des problèmes financiers, accrus également par certains frais médicaux non-remboursées par la LAMal. Ainsi, l’aide d’un service social adéquat ayant accès à des fonds d’entraide spécifiques au cancer est nécessaire.

La maladie touche également l’environnement du ou de la patiente atteinte dans sa santé. En effet, l’organisation familiale ou encore logistique des personnes concernées et leurs proches se trouvent alors mises à mal. Ainsi, des démarches relatives à l’accès à des congés pour les proches, aux transports médicaux pour se déplacer vers les lieux de soin, à l’aide à domicile adéquates font partie intégrante de l’aide proposée par les assistant-e-s sociales spécialisées en oncologie.

Le soutien apporté par les assistant-e-s sociales spécialisées en oncologie dépend également de la situation du patient parfois précaire avant même l’apparition de la maladie. Toutefois, le cancer et ses conséquences aura pour effet de fragiliser de manière importante ces situations. Ainsi, des démarches relatives à des permis de séjour, à l’accès à un logement adéquat, à un revenu minimum, etc. sont également des démarches réalisées par les professionnel-le-s du travail social en oncologie.

Pour finir, le travail des assistant-e-s sociales en oncologie repose sur le lien tissé avec le ou la patient-e tout au long de la maladie et de ses traitements. Ainsi, les assistant-e-s sociales dans le domaine de l’oncologie dispensent également un soutien psycho-social aux patient-e-s et à leurs proches. En effet, les bouleversements impliqués par la maladie sont nombreux et extrêmement déstabilisants. Ainsi, le soutien d’un-e assistant-e sociale de référence tout au long du parcours de soins, représente une nécessité pour certain-e-s malades.

Les défaillances impliquées par la restructuration de la LVC évoquées en introduction ont été partiellement compensée par le déblocage de postes (4 EPT) d’assistant-e-s sociales-aux au CHUV. Cette réaction est à saluer, mais ne semble pas encore répondre à toutes les inquiétudes. Notamment le morcellement entre la LVC qui souhaite maintenir un suivi ambulatoire et les nouveaux postes qui se concentrent sur le stationnaire. Or, les traitements oncologiques impliquent de nombreux allers-retours au sein des différents services hospitaliers et/ou ambulatoires. La division des tâches entre service social du CHUV et LVC selon le lieu de traitement impliquera des changements d’assistant-e-s sociales-aux fréquents qui, comme mentionné plus haut, entravent le suivi de qualité. Par ailleurs, l’une des prestations majeures du service social de la LVC consistant au déplacement à domicile des patient-e-s a été complètement supprimée.

D’après les informations recueillies auprès des personnes concernées, il semblerait que la LVC ne prenne plus aucune nouvelle situation depuis septembre 2021 (juillet 2021 pour certains services) excluant un très grand nombre de patient-e-s de l’aide dont ils et elles ont besoin. La LVC s’était toutefois engagée à pallier ce problème dès l’entrée en fonction des nouvelles assistantes sociales au sein du service social du CHUV pour le service d’oncologie. Or, au vu du manque de personnel, la LVC n’a pas pu tenir ses engagements, mettant ainsi en difficultés les patient-e-s, le personnel soignant-e-s, ainsi que le réseau socio-sanitaire vaudoise devant pallier ces lacunes. Cette situation est alarmante et indigne fortement. On peut légitimement se demander si la LVC reste un partenaire fiable pour le canton ?

Par ailleurs, le développement de projets de renforcement de certaines prestations dans certaines régions (mais pas toutes) va en parallèle avec des suppressions dans d’autres (mais pas toutes). On peine donc à comprendre la stratégie poursuivie par la LVC. Cette situation implique également d’importantes inégalités de traitement entre les centres de soins régionaux et privés (suivis par la LVC) et le CHUV (suivi par des assistantes sociales CHUV).

Dans le domaine de la prévention, c’est tout un programme d’information destiné aux populations issues de la migration qui n’a pas été reconduit à fin 2020. Faisant face à certaines barrières d’ordre linguistique, culturelle, logistique ou encore de niveau de littératie, et cela le souvent de manière cumulée, ces populations ont très difficilement accès aux informations standards destinées à la population vaudoise. Il est d’ailleurs documenté et reconnu que l’accès à la prévention et aux examens de dépistage du cancer est de 10% inférieur pour les migrante-s en situation de vulnérabilité que pour les populations autochtones[i]. Ces suppressions de prestations suscitent de grandes préoccupations quant à l’équité des chances de survie face à une maladie grave dans notre canton.

La Loi sur la santé publique du canton de Vaud prescrit à son article 20a que « Toute personne séjournant dans un établissement sanitaire soumis à la présente loi a droit à une assistance et à des conseils pendant toute la durée de son séjour. Elle a le droit en particulier de requérir le soutien de ses proches et de maintenir le contact avec son entourage. » Il existe donc une base légale à une intervention du canton.

Convaincu-e-s qu’il est de l’intérêt public d’assurer un suivi et un soutien de qualité aux personnes atteintes d’un cancer dans l’ensemble du canton, les soussigné-e-s ont l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :

  1. Le Conseil d’Etat estime-t-il que le soutien social aux personnes atteintes d’un cancer au travers d’un service social spécialisé est pertinent contribue à des objectifs de santé publique ?
  2. Est-il associé aux décisions de la LVC tendant à supprimer le suivi social spécialisé des personnes atteintes d’un cancer ?
  3. Si oui, comment le Conseil d’Etat entend-il stabiliser ces prestations ?
  4. Le soutien social aux personnes atteintes de cancer ne devrait-il pas être financé et géré par des organismes publics ?
  5. Comment garantir une uniformisation des prestations entre les différents lieux de soins dans le Canton si les prestataires sont différents (LVC VS CHUV) ?
  6. Dans le domaine de la lutte contre le cancer, quelles mesures spécifiques de prévention en direction des personnes les plus vulnérables sont envisagées ?
  7. Plus globalement, le Conseil d’Etat estime-t-il la pertinence et l’importance d’un appui social spécifique permettant d’accompagner les personnes atteintes de maladies graves, de longue durée, durant la durée de leur traitement (en hôpital ou en ambulatoire) ? Comment voit-il la coordination nécessaire des acteurs fournissant cet appui social ?

Julien Eggenberger, membre du Grand Conseil – groupe socialiste

[i]Bhargava S, Moen K, Azeem Qureshi S, and Hofvind S. Mammographic screening attendance among immigrant and minority women: a systematic review and meta-analysis. Acta Radiologica 2018, Vol. 59(11) 1285–1291.

Débat sur la motion Jobin (baisse de 5pts du taux cantonal)

Texte du débat d’entrée en matière

L’impôt sert principalement à financer les dépenses publiques de manière solidaire. Il permet de produire « entre guillemets » des biens publics qui bénéficient à toutes et tous, comme l’éducation, la sécurité, la santé ou les transports publics… et permet une certaine redistribution des richesses par des mécanismes sociaux. L’impôt est au cœur de l’action étatique et c’est donc légitime que les interventions à son sujet soient l’objet de disputes, dans le sens politique du terme.

De manière générale, la minorité de la commission considère qu’il est inopportun de prendre en considération la motion car elle occasionnerait une péjoration des ressources de l’État à hauteur de 160 mios alors que des enjeux importants sont attendus. Cette péjoration serait inéquitablement répartie car elle bénéficierait principalement aux contribuables aisés et péjorerait les plus modestes qui seraient principalement impactés par les menaces sur les prestations publiques et les mécanismes de redistribution. Par ailleurs, la proposition d’une baisse linéaire du point est la moins efficace pour revoir le système fiscal car elle ne cible aucun aspect en particulier. A ce titre, la collision entre la réforme de l’imposition du couple marié et de la famille questionne. Finalement, il s’agit aussi de rappeler, contrairement à ce que prétend le motionnaire, que de nombreuses mesures allégeant la facture des personnes physiques ont déjà été prises ces dernières années.

Permettez-moi de revenir sur certains des éléments pour les préciser :

Premier point : contrairement aux affirmations du motionnaire de nombreuses mesures fiscales ont déjà été prises. Depuis 2009, des mesures ont été prises par le Grand Conseil et ont eu pour résultat d’alléger la facture des personnes physiques, pour un coût de 207,36 millions. Il est donc faux de prétendre que les personnes physiques ont été oubliées, la revue des différentes mesures prises et mentionnées dans le rapport montre de manière claire que ce n’est pas le cas.

Deuxième point, la collision avec les réformes fédérales. Depuis 2018, le parlement fédéral et le Conseil fédéral travaillent sur une réforme de l’imposition du couple marié et de la famille. À l’heure actuelle, dans le domaine de l’impôt fédéral direct, de nombreux couples mariés à deux revenus et couples de rentiers mariés paient encore des impôts supérieurs à ceux que paient les couples de concubins dans la même situation économique. Il s’agit d’une rupture d’égalité et un large consensus politique s’est formé pour le corriger. Pour éviter un impact trop fort sur certains ménages, des pertes de recettes fiscales importantes semblent inévitables. La Confédération évoque un chiffre de 1,5 milliards de francs. Il est donc difficile d’imaginer que cette réforme ne constitue pas une baisse de l’imposition. A ceci de différent par rapport à la motion du jour, qu’elle n’arrose pas indifféremment, mais qu’elle vise à résoudre une inégalité devant l’impôts des personnes physiques. La minorité de la commission estime que cette conjonction de réforme sur la même catégorie de contribuables est inopportune et constitue un argument supplémentaire pour ne pas entrer en matière sur la motion Jobin.

Troisièmement, La minorité relève l’inconséquence de la majorité de la commission dont une partie soutient, par ailleurs, d’autres mesures qui auront un impact majeur sur les finances de l’État de Vaud. C’est le cas de l’initiative SOS Communes (avec un impact possible d’environ 250 mios) ou celle des jeunes libéraux radicaux sur la déduction totale des primes d’assurance maladie (environ 50 mios). Par ailleurs, la réforme nécessaire de la péréquation intercommunale nécessitera l’introduction d’une dimension plus verticale, dont le coût se chiffrera en dizaine de millions.

Finalement, les conséquences financières de la motion Jobin sont estimées à plus de 160 mios et mettent en danger le financement des prestations à la population. La contradiction de cette motion consiste en reprendre d’une main ce qui est donner de l’autre. Ce raccourci est évidemment caricatural puisqu’agir sur une baisse du taux d’impôts favorise ceux et celles qui ont un revenu confortable, et paient proportionnellement plus, par rapport à ceux et celles qui utilisent des prestations publiques ou bénéficient d’une aide de l’État. La minorité tient à expliciter ses craintes quant aux impacts de cette motion. Elle tient d’ailleurs ses craintes comme très concrètes vu l’accent que la majorité de la commission a mis à mettre en lumière la progression des dépenses liées à la cohésion sociale. La majorité de la commission présente cette progression comme une justification pour une baisse fiscale. La minorité en tire la conclusion inverse : c’est justement parce que les besoins en prestations publiques et en cohésion sociale sont importants qu’il ne faut pas dilapider les ressources publiques dans des mesures électoralistes et non ciblées.

Dans le rapport, plusieurs exemples concrets sont développés. Il apparaît clairement que pour la classe moyenne, la poursuite des politiques actuelles est bien plus avantageuse.

En conclusion, la minorité de la commission est attachée à doter l’État d’une marge de manœuvre financière qui doit permettre de répondre aux défis à venir, dont celui du climat. Cette réalité est d’autant plus aiguë que la minorité souhaite éviter que la nécessaire transition énergétique soit financée par un ensemble de taxe dont l’impact antisocial est avéré.

La minorité de la commission tient à donner trois exemples de politiques publiques qui mériteraient de prioriser des moyens afin de monter en puissance et qui se verraient freinées à coup sûr par une baisse de l’imposition des personnes physiques :

  • Le renforcement d’une politique publique de l’accueil des enfants. L’étude commandée par la Fondation pour l’accueil de jour des enfants évalue à 28’000 le nombre de places d’accueil préscolaire et parascolaire à créer d’ici 2030 (p.43, « Évaluation des besoins en matière de places d’accueil des enfants dans le Canton de Vaud à 5 et 10 ans », Microgis, 2018).
  • Le défi découlant du réchauffement climatique et un renforcement majeur des moyens dévolus au plan climat (transports publics, mobilité douce, programme bâtiment, énergies alternatives,…).
  • La consolidation du système de santé afin de faire face aux enjeux à venir, notamment découlant du vieillissement de la population. En 2030, le canton connaitra près de 35’000 seniors de plus qu’en 2020. Ce bouleversement engendrera assurément des besoins de financements supplémentaires et massifs, afin de pouvoir répondre aux besoins de cette population.

Rapport complet à télécharger

Assurer le financement des réserves de capacité dans le système hospitalier

Motion déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 3 mai 2022

La crise sanitaire a montré les limites du système actuel de financement hospitalier. En effet, un système essentiellement basé sur l’activité réellement déployée ne permet pas de maintenir des réserves de capacité. Dans le système actuel, les hôpitaux sont contraints d’appliquer la logique du « just-in-time » pour gérer les dotations en personnel et les lits. Les lits vides sont bannis, tandis que les dotations en personnel sont calculées au plus juste, voire en-dessous des besoins réels afin d’éviter tout « temps mort ». Cette situation entraîne rapidement des problèmes lorsque des pics d’activités se produisent, et pas uniquement en raison d’une pandémie, la grippe saisonnière produit chaque hiver ce même effet. Pour faire face à la pandémie, des mesures de restriction ont été prises pour ne pas mettre en danger le système de santé. C’est ainsi que de très nombreuses interventions et des soins ont été reportés pour concentrer l’activité hospitalière sur l’urgence COVID. Le système de santé a tenu, mais combien de patient-e-s ont souffert, souffrent encore de ce report de soins ?  Certes, il est illusoire de prétendre pouvoir répondre aux situations extrêmes. Ceci dit, il s’agit de tirer les enseignements de la crise sanitaire que nous traversons afin d’opérer un changement de logique indispensable, qui ne peut néanmoins dépendre que d’un changement de la loi fédérale. Les transferts de personnel non spécialisés vers les unités de soins intensifs ont été possibles en 2020 ; le rappel des retraité-e-s a permis de soulager le personnel spécialisé des unités confrontées à une surcharge de patient-e-s COVID. Mais de telles « manœuvres » ne sont pas une solution à moyen terme.

L’article 4bis de la Loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 prévoit que les cantons financent des réserves de capacités pour surmonter les pics d’activités.

Nouvelle compétence pour le Conseil fédéral :

Chiffre 4 

Il peut autoriser les cantons, pour garantir les capacités nécessaires au traitement des maladies COVID-19 et à d’autres examens et traitements médicaux urgents, à:

  1. interdire ou restreindre des examens et traitements médicaux non-urgents;
  2. prendre d’autres mesures nécessaires au maintien des capacités.

4bis Afin de renforcer les services de santé sollicités par la crise COVID-19, les cantons financent les réserves de capacités nécessaires pour affronter les pics d’activité. Ils définissent les capacités nécessaires en accord avec la Confédération.

La teneur de cette disposition est temporaire, mais ouvre une logique nouvelle, dans le sens où le financement des structures de soins n’est plus uniquement organisé selon le principe des forfaits dans le secteur hospitalier. Il est désormais obligatoire, pour les cantons, de financer des « réserves de capacités ». Autrement dit : un financement est possible pour des lits de réserve, ce qui permet de conserver le personnel dans les creux des vagues. Ce financement permet aussi de donner un peu de répit aux personnels surchargés pendant 2 ans. L’automne-hiver 2022- 2023 pourrait voir revenir un pic de contaminations et d’hospitalisations..

Convaincu-e-s qu’il est de l’intérêt public d’assurer une réserve de capacité suffisante dans le système hospitalier dans l’ensemble du canton, les soussigné-e-s ont l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :

  1. De quels outils le canton de Vaud est-il doté pour répondre au pic d’activités dans le système de santé ?
  2. Le canton de Vaud estime-t-il judicieux de prévoir une réserve de capacité dans le système hospitalier ?
  3. Le cas échéant, comment prévoit-il de l’organiser et de la financer ?
  4. Ce dispositif concerna-t-il aussi les EMS et les CMS ?

Motion : objectif : zéro primo infection VIH dans le canton de Vaud

Motion déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 15 décembre 2021

Apparu il y a 40 ans, le VIH continue à infecter de nouvelles personnes chaque année. Progressivement, le nombre de nouvelles infections baisse, sans toutefois connaître une inflexion suffisante laissant entrevoir une fin. Si la Suisse comptait plus de 1500 cas positifs par année dans les années 1990, le nombre est passé sous les 500 récemment. Par ailleurs, la pandémie de covid-19 a eu un impact certain sur la lutte contre le VIH, notamment en ralentissant les activités de dépistage et les découvertes de nouvelles infections.

Grâce aux importants progrès médicaux, de prévention et la mise sur pied de structures spécialisées (checkpoint Vaud, Profa, …), l’espérance de vie n’est que peu diminuée par une infection, mais au prix d’un traitement médicamenteux et d’impacts psychosociaux. Cela ne peut constituer un oreiller de paresse, tant l’opportunité d’une éradication de ce virus est à portée de main. En 2011 déjà l’ONUSIDA indiquait que l’ambition de parvenir à zéro infection était atteignable d’ici 2030, pour autant qu’une révolution des outils de prévention soit entreprise. En effet, la prévention ne peut se limiter à inciter à modifier les comportements à risques. A titre d’exemple, la ville de San Francisco a réussi à atteindre une baisse de 60% des nouvelles infections en 10 ans, grâce à un programme de santé publique alliant gratuité des moyens de prévention et des dépistages, un meilleur accès aux traitements et la lutte contre la stigmatisation des personnes infectées. En réduisant le nombre d’infections, on économise aussi les coûts très importants des traitements qui devront être pris toute la vie et des impacts possibles et onéreux en termes de santé mentale par la stigmatisation sociale de vivre avec le VIH.

Une stratégie efficace doit combiner information, prévention large et adaptée aux différents publics, un système performant permettant un diagnostic le plus précoce possible, une prise en charge efficace dès le diagnostic connu et la lutte contre la discrimination et la stigmatisation des personnes infectées. Le dispositif vaudois existe et contribue activement à lutter contre ce virus sur tous ces aspects. Il reste malgré tout des améliorations possibles.

  1. Développer le système de diagnostic précoce pour éviter les infections secondaires

Une personne diagnostiquée est prise en charge par traitement antiviral. Si celui-ci est pris efficacement, cette personne devient indétectable, elle ne transmet plus le VIH. Il y a donc un intérêt prépondérant à identifier le plus vite possible les infections. La grande majorité des infections sont le résultat d’une contamination par une personne ne connaissant pas son statut sérologique. Il ne s’agit donc pas d’une question qui concerne seulement la personne concernée, mais bien un enjeu de santé publique. Le système de subventionnement des tests VIH et d’autres IST en vigueur dans le canton a été revu en 2018 en réponse à une motion de l’ancienne membre du Grand Conseil Brigitte Crottaz (16_MOT_087). Le Conseil d’État reconnaissait alors que la politique de dépistage menée était bien en deçà de celles pratiquées dans de nombreuses autres régions. Malheureusement, il apparaît que le système mis en place en 2018 doit être revu et la loi sur la santé publique modifiée afin de lever les obstacles à un diagnostic le plus précoce possible. Finalement, il convient de relever l’intérêt d’élargir l’accès au dépistage en sortant des sentiers battus (dépistage « hors les murs ») comme le démontre une étude publiée dans la Revue médicale suisse en 2020[1]. Deux axes pourraient être poursuivis : une prescription plus systématique et des gratuités ciblées, car il semble que les coûts soient rédhibitoire pour certaines personnes. Une comparaison avec les dispositifs en place dans certaines régions du monde qui connaissent des résultats probants devrait permettre d’adapter le modèle pratiqué dans notre canton.

  1. La PrEP : un nouvel outil efficace évitant les primo infections

Ces dernières années, la PrEP, la prophylaxie pré-exposition au VIH, a démontré son efficacité comme outil complémentaire de réduction des risques de transmission du VIH. La PrEP s’adresse aux personnes séronégatives et consiste en un médicament à prendre tous les jours en continu ou par phase et qui évite les contaminations. Le principe de la prévention médicamenteuse n’est pas spécifique au VIH, mais existe aussi par exemple pour la malaria ou pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires (statines). Dans les régions qui ont décrété la prise en charge des coûts de ce traitement (France, Luxembourg, Norvège, de nombreuses régions ou villes américaines,…), l’effet est confirmé. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé recommande ce traitement depuis septembre 2015, au moins pour les publics les plus à risque . Le coût de la PrEP, particulièrement élevé en Suisse, et sa non-prise en charge par l’assurance de base représentent une barrière à son accès pour une majorité de la population qui pourrait en bénéficier. Dans ce contexte, les résultats de l’étude SwissPrEPared, qui comptent actuellement plus de 4000 personnes sur l’ensemble de la Suisse, devront être suivis avec attention.

  1. Mobiliser tout le système de santé

Une part importante du travail de prévention et de diagnostic est réalisée dans des centres dédiés. Ces derniers réalisent un travail remarquable et leur contribution est déterminante dans le combat contre cette pandémie. De leur côté, les médecins généralistes occupent une place centrale dans le dispositif de santé publique. Ils et elles disposent d’une position privilégiée au plus près de leur patient-e, en étant notamment les mieux placés pour établir un profil des risques grâce au lien de confiance établi. Leur rôle pourrait être renforcé, par exemple en promouvant activement certains outils de lutte contre la pandémie. Cela nécessite l’élaboration d’une stratégie permettant de fournir un cadre clair (dépistage plus systématique, identification des profils à risques, promotion de la PrEP aussi en cabinet,…) et un engagement des sociétés médicales et professionnelles auprès de leurs membres dans ce sens. Par ailleurs, dans les services d’urgence, une mobilisation sur cette question semble aussi possible. Une étude[2] menée en 2016 aux urgences du CHUV montrait alors que, malgré les directives visant à systématiser le dépistage pour les publics à risques, seulement 1% des consultations aboutissaient à un dépistage. La même étude indiquait que la moitié des patient-e-s en Suisse sont malheureusement diagnostiqués à un stade avancé de l’infection VIH alors qu’ils-elles avaient souvent consulté leurs médecins ou un service d’urgences dans les un à trois ans précédant leur diagnostic pour des tableaux cliniques signant soit une primo-infection ou une infection chronique. Cette réalité implique que ces personnes ont pu en infecter d’autres dans l’intervalle et que la prise en charge par traitement rétroviral peut se compliquer.

  1. Lutter contre la stigmatisation des personnes séropositives

Nous ne sommes pas toutes égales / tous égaux face au VIH. L’épidémie touche de façon disproportionnée certains groupes de la population, notamment les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, les personnes trans ou encore celles nées dans un pays à forte prévalence. Les personnes infectées par le VIH souffrent encore malheureusement de discriminations et de stigmatisation. Beaucoup peine à comprendre qu’une personne infectée, diagnostiquée et prise en charge, ne constitue pas une menace pour la santé. En plus d’être moralement problématique, les discriminations et la stigmatisation sont aussi contre productives et constituent des obstacles à la lutte contre cette maladie. Les réactions de stigmatisation (mise à l’index, culpabilisation, mauvais traitement, refus d’emploi, d’assurance, de soins, …) entravent les efforts de prévention et de traitement, aggravant l’impact de l’épidémie. Par ailleurs, elles affaiblissent le soutien familial et communautaire pourtant indispensable dans une telle situation. Lutter contre la stigmatisation passe, notamment, par informer le public et les professionnel-le-s du fait qu’une personne séropositive au VIH sous traitement ne peut pas transmettre le VIH afin d’éviter les situations d’exclusion ou l’application de mesures d’hygiène ou de distanciation inutiles. Il s’agit aussi de s’assurer qu’aucun accès différencié à des prestations n’existe et que les éventuelles situations de discrimination en raison du statut sérologique soient sanctionnées. Plus globalement, une communication sur les vécus des personnes séropositives permettrait peut-être de thématiser ces enjeux et de lutter contre les représentations négatives.

Les signataires de cette motion demandent au Conseil d’État de proposer un changement de la loi sur la santé publique (LSP – article 28 alinéa 4 notamment), qui définirait une stratégie cantonale visant à éradiquer le VIH d’ici 2030. Parmi les mesures à étudier, figurent les modalités d’un élargissement du système de dépistage du VIH et de son accessibilité, le lancement d’un programme cantonal de distribution de la PrEP ciblé sur les publics à risques et un plan de mobilisation de tout le système de santé et la lutte contre la stigmatisation des personnes séropositives.

Julien Eggenberger, député au Grand Conseil et 45 cosignataires

[1] https://u.pcloud.link/publink/show?code=XZEow0XZTGEFlemrSoXfSnTu3zaobVJqz77X

[2] Ibid.

Agir contre les démonstrations publiques de discrimination et de haine !

Interpellation déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 21 septembre

Le 12 septembre, le Matin Dimanche relatait le dernier agissement d’Alain Soral. Ce dernier, résidant dans le canton de Vaud depuis une courte période, a renouvelé des paroles hostiles et dégradantes envers les personnes LGBTIQ+ dans un contexte public, sous la forme d’interventions filmées sur la plateforme de l’organisation Égalité et Réconciliation. Ceci s’ajoute à des prises de position sexistes, racistes ou encore antisémites, par ailleurs régulièrement dénoncées par la CICAD. Par respect pour les personnes, nous renoncerons ici à relayer ces paroles outrancières. Ceci dit, il se trouve que l’article 261bis du Code pénal réprime les appels à la haine et la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle.

Selon les éléments communiqués aux médias, ni la police, ni le Ministère public ne se sont autosaisis de cet épisode. Un dépôt de plainte a été communiqué par la journaliste attaquée et l’organisation Pink cross a formulé une dénonciation le jeudi 16 septembre. Or ces faits sont graves. Ils impactent la cohésion sociale, constituent une forme de discrimination et ont des conséquences directes sur la santé mentale et le bien-être, notamment chez les jeunes LGBTIQ+. Ne pas réagir constitue une forme d’encouragement à l’impunité et à la banalisation de ces propos outranciers, or les autorités ont pour mission d’assurer la protection des personnes, et en particulier lorsqu’une minorité se retrouve particulièrement attaquée.

Pour rappel, dans un contexte plus large, le 2 mars 2021, nous interpelions le Conseil d’Etat au sujet de la mise en œuvre de l’élargissement de cette norme pénale à l’orientation sexuelle (21_INT_33 « Un an après, il est temps d’agir contre les crimes LGBTIQ-phobes ! »), objet encore sans réponse à ce jour.

Notre canton est ouvert et tolérant, mais cela ne doit pas se retourner contre la population ou l’une de ses communautés. Aucune tolérance ne peut être manifestée envers celles et ceux qui la méprise, aucune tolérance envers celles et ceux qui formulent des appels au racisme, à la haine antisémite ou homophobe. Dès lors, nous formulons les questions suivantes :

  1. Quelle est l’appréciation du Conseil d’État sur les interventions d’Alain Soral concernant les personnes LGBTIQ+ et/ou de confession juive ?
  2. Le Conseil d’État estime-t-il qu’une réaction est requise, notamment est-ce que des poursuites seraient légitimes ?
  3. Quels sont les possibilités du Conseil d’État permettant d’inciter le Ministère public à ouvrir une enquête ?
  4. Quelles conditions doivent être remplies afin que le Ministère public s’autosaisisse du dossier dans ce type de cas ?
  5. De manière plus générale, quelles mesures sont envisagées à l’encontre d’Alain Soral ?
  6. Au-delà du dépôt de plainte ou de la dénociation, quelles mesures sont envisagées afin de réprimer les prises de paroles publiques qui enfreindraient l’article 261bis du code pénal ?

Pour l’interdiction des “thérapies de conversion“

Motion déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 2 mars 2021

Un homme homosexuel menacé de mort pour qu’il épouse une femme et ait des enfants. Une femme lesbienne à qui on fait subir des séances d’hypnose comportant des messages à caractère sexuel visant à habituer son corps à la pénétration masculine. Un traitement psychique pour « guérir » la transidentité. Des exorcismes visant à « chasser le démon de l’homosexualité », des sévices sexuels, des viols, des traitements hormonaux, des électrochocs, l’excision de femmes lesbiennes…  ou encore, plus couramment aujourd’hui, des « thérapies » visant à restaurer une identité conforme à la norme hétérosexuelle et cisgenre, ou à défaut à fournir un accompagnement vers une « vie chaste et normative ». Parmi elles, la thérapie par aversion qui consiste à soumettre une personne à des sensations négatives, douloureuses ou angoissantes alors qu’elle est exposée à un certain stimulus lié à son orientation affective et sexuelle et/ou à son identité de genre. Autant de pratiques prétendant changer l’orientation affective et sexuelle et/ou l’identité de genre d’une personne. Elles n’atteignent jamais l’effet escompté et détruisent la vie psychique et sexuelle des personnes qui en sont la cible. Par simplification, l’usage nomme ces pratiques « thérapies de conversion », bien qu’elles n’y ressemblent que rarement.

Trois approches extrêmes fondent les thérapies de conversion : psychothérapeutiques (la diversité sexuelle ou de genre découle d’une éducation ou d’une expérience anormale), médicales (orientation affective et sexuelle et l’identité de genre sont la conséquence d’un dysfonctionnement biologique) et confessionnelles (les orientations affectives et sexuelles et les identités de genre différentes ont quelque chose de fondamentalement mauvais et « contre nature »).

Un rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU[1] assimile les « thérapies de conversion » à des actes de torture et appelle à leur interdiction. Ces pratiques sont « intrinsèquement discriminatoires, cruelles, inhumaines et dégradantes et selon la sévérité de ces pratiques, de la souffrance, de la douleur physique ou mentale qu’elles infligent à la victime, elles peuvent être assimilées à des actes de torture. » Elles partent du principe que les personnes d’orientation affectives et sexuelle diverse ou d’identité de genre variante seraient déviantes et inférieures, sur le plan moral, spirituel ou physique, et devraient donc changer leur orientation ou leur identité pour y remédier.

Parmi les conséquences délétères de ces thérapies, on peut relever[2] un dégoût de soi et de son orientation sexuelle et affective, de l’anxiété, une dépression avec des idées suicidaires, des troubles sévères de la sexualité, un échec scolaire pour les adolescents, des situations conjugales extrêmement douloureuses lorsque la personne est encouragée à former un couple hétérosexuel et/ou contrainte à se marier. Ces pratiques sont d’une extrême violence et ne sauraient entrer dans le cadre de la liberté d’expression ou dans celle de la liberté de conscience et de religion tant qu’elles induisent de la souffrance. Elles enfreignent les droits de l’enfant lorsqu’elles sont imposées par les parents et dépossèdent la personne, alors vue comme une patiente, de son libre arbitre et de son consentement.

La situation est d’autant plus grave pour les mineurs qui sont en droit d’attendre de la protection et une attitude bienveillante de la part des adultes garant de leur développement et non pas une remise en cause de leur identité.

En Europe, depuis le début des années 2000, apparaissent, sous l’impulsion d’associations chrétiennes intégristes, des programmes de conversion. Suite aux mesures prises en Allemagne (interdiction des thérapies de conversion pour les mineurs), les principales organisations les pratiquant ont quitté ce pays pour s’établir en Suisse. Ainsi, et par exemple, la Bruderschaft des Weges (« Confrérie du Chemin ») et l’Institut für dialogische und identitätsstiftende Seelsorge und Beratung (« Institut de pastorale et de conseil pour la restauration identitaire par le dialogue ») ont annoncé leur enregistrement en tant qu’association suisse au premier semestre 2020[3].

La Suisse est donc particulièrement concernée. D’une part, les programmes à vocation religieuse[4], y compris dans le canton de Vaud (par exemple, l’Église évangélique Lazare de Bussigny qui proposait des cours de « restauration de l’identité » [5]). D’autre part, des personnes agissant dans le domaine thérapeutique ou médical : c’est, par exemple, le cas avec l’information communiquée début juillet 2020 d’un psychiatre du canton de Schwyz qui a fait reconnaître des thérapies de conversion comme psychothérapie médicale et donc payées par l’assurance maladie. On se rappelle aussi la révélation, en 2018, d’un médecin et homéopathe pratiquant dans les cantons de Genève et de Vaud et qui proposait de « guérir de l’homosexualité ».[6] Dans la situation juridique actuelle, il semble qu’il n’y a pas de sanctions possibles à l’encontre de ces médecins, que ce soit une amende ou même une interdiction professionnelle, bien qu’ils aient violé l’éthique professionnelle. Ces cas ne sont pas isolés, puisqu’on estime que 14 000 personnes en Suisse sont concernées par les thérapies de conversion[7]. Ces chiffres sont très probablement sous-évalués aux vues des moyens financiers importants et du réseau international de ces structures comme : Courage Internationnal, Desert stream living water, Torrent de vie, Exodus Internationnal

L’Allemagne, l’Autriche, Malte, le Brésil, l’Argentine, plusieurs états américains et provinces canadiennes ont déjà interdit ces thérapies, et d’autres pays (la Grande-Bretagne notamment) y songent.[8]

Cet exposé sommaire de la situation montre la nécessité d’en finir avec les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle et affective ou l’identité de genre d’une personne et cela passe par leur interdiction.

Les membres du Grand Conseil soussignés demandent par voie de motion à ce que le Conseil d’État propose une modification législative afin d’interdire les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle et affective ou l’identité de genre d’une personne.

[1] https://www.ohchr.org/fr/NewsEvents/Pages/ConversionTherapy_and_HR.aspx

[2] https://ilga.org/downloads/ILGA_World_Curbing_Deception_world_survey_legal_restrictions_conversion_therapy.pdf

[3] https://360.ch/suisse/55830-la-suisse-refuge-pour-les-adeptes-des-therapies-de-conversion/

[4] https://www.swissinfo.ch/fre/homosexualité_des-groupes-religieux-encouragent-les–thérapies-de-conversion-/44750602

[5] https://360.ch/suisse/19106-les-ex-gays-ont-aussi-leur-reseau-en-suisse/

[6] https://360.ch/suisse/44814-lhomosexualite-un-symptome-a-traiter-selon-un-homeopathe-lausannois/

[7] Émission « Mise au point », RTS, 15 septembre 2019, https://www.rts.ch/play/tv/mise-au-point/video/therapies-de-conversion?urn=urn:rts:video:10710481

[8] Genre: vers une interdiction des thérapies de conversion dévastatrices et trompeuses, Laure Dasinières, Heidi.news, 17 août 2020

Un an après, il est temps d’agir contre les crimes LGBTIQ-phobes !

Interpellation déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 2 mars 2021

Les personnes LGBTIQ+ sont régulièrement victimes d’agressions physiques et psychologiques en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de l’expression de leur genre. D’après un rapport de l’organisation Pink Cross, en 2019, le nombre de crimes de haine signalés à la « LGBTQ Helpline » a drastiquement augmenté. Plus d’un signalement par semaine, alors que la très grande majorité des agressions n’est pas recensée. Environ une victime sur trois a subi de la violence physique. Ces agressions ont de lourdes conséquences physiques et psychologiques pour les victimes, elles accablent aussi l’ensemble des personnes LGBTIQ+ en provoquant également des changements de comportement, par exemple en faisant hésiter de pouvoir vivre normalement dans l’espace public.

Le 9 février 2020, la Suisse a dit OUI à 63% à la protection des personnes LGBTIQ+ contre la haine, les Vaudoises et les Vaudois soutenant cette extension de la norme pénale à la discrimination homophobe à plus de 80%. La loi ne suffit pas et des mesures concrètes sont nécessaires. Si la population a donné un signal clair, les mesures de sensibilisation et de prévention font toujours défaut. Les autorités politiques ne peuvent pas rester inactives et doivent agir contre la discrimination et l’hostilité envers les personnes LGBTIQ+.

Dans sa réponse au postulat du Conseiller national Angelo Barrile (PS / ZH) « Plan d’action national contre les crimes de haine anti-LGBTIQ », le Conseil fédéral relève que les autorités compétentes étant cantonales et communales, il appartient aux autorités organisant, notamment, les corps de police de mettre en œuvre cette nouvelle norme pénale et de les compléter par « des mesures adéquates de sensibilisation, de prévention, d’intervention et de monitorage ».

Afin de faire le point sur les mesures prises par le canton pour mettre en œuvre cette nouvelle norme pénale, nous avons l’honneur de poser les questions suivantes :

  • Comment est prise en charge et coordonnée la mise en œuvre de cette nouvelle norme au sein de l’État de Vaud ?
  • Quelles mesures de sensibilisation et de prévention contre l’hostilité envers les personnes LGBTIQ+ s’adressant aux jeunes en formation, au grand public et aux possible auteur-e-s ont été développées ?
  • Quelles mesures ont été prises afin de soutenir et de protéger les victimes (en garantissant notamment l’accès à l’aide aux victimes pour des soins et un constat) ?
  • Quelles mesures ont été prises pour faciliter l’accès à la justice, notamment afin d’instruire et de documenter les circonstances aggravantes ?
  • Quelles mesures ont été prises par la police cantonale pour prendre en compte cette nouvelle norme pénale ? En particulier, quelle formation a été donnée aux membres des corps de police et quelles consignes ont été transmises ?
  • Le cas échéant, le Conseil d’État estime-t-il nécessaire de renforcer ce dispositif ? Si oui, par quelles mesures ?

Quel bilan pour l’autonomie de gestion de l’Université de Lausanne ?

Interpellation Grand Conseil vaudois déposée le 16 février 2021

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur l’Université de Lausanne en 2004, cette institution jouit d’une grande autonomie. Cette autonomie dans le domaine de l’enseignement et de la recherche est une garantie déterminante pour que les activités académiques puissent se dérouler. Dans ce cadre, la direction de l’Université jouit aussi d’une grande autonomie en matière de gestion. Celle-ci se décline en une dimension financière, dans les modalités d’engagement du personnel d’enseignement, mais aussi dans la détermination de l’encadrement des projets.

Après plusieurs exercices, il est temps de faire un bilan de cette autonomie, en particulier sur le mode de gestion financière. En effet, il semble que les fonds de réserve ont tendance à augmenter année après année. Ainsi, selon les comptes 2019 de l’Université de Lausanne, les fonds propres libres sont passés de 65,3 millions au bouclement 2018 à 75,8 millions au bouclement 2019. En 2016, les fonds propres affectés et non affectés se montaient à 46,6 millions, stables en comparaison des années précédentes. De leurs côtés, le fonds de réserve et d’innovation est passé de 33,3 millions à 38,2 millions. Manifestement, pour une raison qui nécessiterait des explications, l’Université n’arrive pas à dépenser la totalité des subventions et attributions de fonds. Il s’agit donc de savoir si cette autonomie répond aux attentes et si l’Université est dotée d’outils de gestion suffisants pour la mettre en œuvre.

En parallèle, sur le volet gestion du personnel, des besoins importants de renforcement de l’encadrement au vu de l’augmentation du nombre d’étudiant-e-s se font jour et on relève une tendance forte à utiliser les statuts précaires au motif de la volatilité supposée des financements. Depuis des années, comme dans de nombreuses hautes écoles, la dégradation des conditions de travail du personnel de recherche et d’enseignement et administratif et technique dans les Hautes écoles est une réalité. La succession de contrats à durée déterminée, les pressions de la hiérarchie et la mise en concurrence systématique nuisent à la santé des salarié-e-s comme à la qualité de la recherche et de la formation. Les montants figurant au bilan des comptes de l’Université ne pourrait-il par permettre de pallier ces différentes problématiques ?

Afin de faire le point sur ces questions, nous avons l’honneur de poser les questions suivantes :

  1. Quelle évaluation le Conseil d’État fait-il de l’autonomie de l’université de Lausanne en matière financière et de gestion du personnel ?
  2. Comment évoluent l’augmentation des fonds propres libres et des fonds de réserve et d’innovation de l’Université de Lausanne ces cinq dernières années ?
  3. Et dans les autres écoles tertiaires (HEP, ECAL, HEIG, HESAV) ?
  4. Quelles mesures pourraient être prises pour améliorer l’encadrement des étudiant-e-s et la poursuite des projets de développement de l’université sur la base des fonds disponibles ?
  5. Quelles mesures pourraient-elles être prises pour limiter les statuts précaires sur la base des fonds disponibles à l’Université ?
  6. Quelles mesures la direction de l’Université entend-elle prendre pour éviter que des projets validés dans le cadre du budget et du plan stratégique pluriannuel ne se réalisent pas et augmentent les réserves ?