Texte du débat d’entrée en matière
L’impôt sert principalement à financer les dépenses publiques de manière solidaire. Il permet de produire « entre guillemets » des biens publics qui bénéficient à toutes et tous, comme l’éducation, la sécurité, la santé ou les transports publics… et permet une certaine redistribution des richesses par des mécanismes sociaux. L’impôt est au cœur de l’action étatique et c’est donc légitime que les interventions à son sujet soient l’objet de disputes, dans le sens politique du terme.
De manière générale, la minorité de la commission considère qu’il est inopportun de prendre en considération la motion car elle occasionnerait une péjoration des ressources de l’État à hauteur de 160 mios alors que des enjeux importants sont attendus. Cette péjoration serait inéquitablement répartie car elle bénéficierait principalement aux contribuables aisés et péjorerait les plus modestes qui seraient principalement impactés par les menaces sur les prestations publiques et les mécanismes de redistribution. Par ailleurs, la proposition d’une baisse linéaire du point est la moins efficace pour revoir le système fiscal car elle ne cible aucun aspect en particulier. A ce titre, la collision entre la réforme de l’imposition du couple marié et de la famille questionne. Finalement, il s’agit aussi de rappeler, contrairement à ce que prétend le motionnaire, que de nombreuses mesures allégeant la facture des personnes physiques ont déjà été prises ces dernières années.
Permettez-moi de revenir sur certains des éléments pour les préciser :
Premier point : contrairement aux affirmations du motionnaire de nombreuses mesures fiscales ont déjà été prises. Depuis 2009, des mesures ont été prises par le Grand Conseil et ont eu pour résultat d’alléger la facture des personnes physiques, pour un coût de 207,36 millions. Il est donc faux de prétendre que les personnes physiques ont été oubliées, la revue des différentes mesures prises et mentionnées dans le rapport montre de manière claire que ce n’est pas le cas.
Deuxième point, la collision avec les réformes fédérales. Depuis 2018, le parlement fédéral et le Conseil fédéral travaillent sur une réforme de l’imposition du couple marié et de la famille. À l’heure actuelle, dans le domaine de l’impôt fédéral direct, de nombreux couples mariés à deux revenus et couples de rentiers mariés paient encore des impôts supérieurs à ceux que paient les couples de concubins dans la même situation économique. Il s’agit d’une rupture d’égalité et un large consensus politique s’est formé pour le corriger. Pour éviter un impact trop fort sur certains ménages, des pertes de recettes fiscales importantes semblent inévitables. La Confédération évoque un chiffre de 1,5 milliards de francs. Il est donc difficile d’imaginer que cette réforme ne constitue pas une baisse de l’imposition. A ceci de différent par rapport à la motion du jour, qu’elle n’arrose pas indifféremment, mais qu’elle vise à résoudre une inégalité devant l’impôts des personnes physiques. La minorité de la commission estime que cette conjonction de réforme sur la même catégorie de contribuables est inopportune et constitue un argument supplémentaire pour ne pas entrer en matière sur la motion Jobin.
Troisièmement, La minorité relève l’inconséquence de la majorité de la commission dont une partie soutient, par ailleurs, d’autres mesures qui auront un impact majeur sur les finances de l’État de Vaud. C’est le cas de l’initiative SOS Communes (avec un impact possible d’environ 250 mios) ou celle des jeunes libéraux radicaux sur la déduction totale des primes d’assurance maladie (environ 50 mios). Par ailleurs, la réforme nécessaire de la péréquation intercommunale nécessitera l’introduction d’une dimension plus verticale, dont le coût se chiffrera en dizaine de millions.
Finalement, les conséquences financières de la motion Jobin sont estimées à plus de 160 mios et mettent en danger le financement des prestations à la population. La contradiction de cette motion consiste en reprendre d’une main ce qui est donner de l’autre. Ce raccourci est évidemment caricatural puisqu’agir sur une baisse du taux d’impôts favorise ceux et celles qui ont un revenu confortable, et paient proportionnellement plus, par rapport à ceux et celles qui utilisent des prestations publiques ou bénéficient d’une aide de l’État. La minorité tient à expliciter ses craintes quant aux impacts de cette motion. Elle tient d’ailleurs ses craintes comme très concrètes vu l’accent que la majorité de la commission a mis à mettre en lumière la progression des dépenses liées à la cohésion sociale. La majorité de la commission présente cette progression comme une justification pour une baisse fiscale. La minorité en tire la conclusion inverse : c’est justement parce que les besoins en prestations publiques et en cohésion sociale sont importants qu’il ne faut pas dilapider les ressources publiques dans des mesures électoralistes et non ciblées.
Dans le rapport, plusieurs exemples concrets sont développés. Il apparaît clairement que pour la classe moyenne, la poursuite des politiques actuelles est bien plus avantageuse.
En conclusion, la minorité de la commission est attachée à doter l’État d’une marge de manœuvre financière qui doit permettre de répondre aux défis à venir, dont celui du climat. Cette réalité est d’autant plus aiguë que la minorité souhaite éviter que la nécessaire transition énergétique soit financée par un ensemble de taxe dont l’impact antisocial est avéré.
La minorité de la commission tient à donner trois exemples de politiques publiques qui mériteraient de prioriser des moyens afin de monter en puissance et qui se verraient freinées à coup sûr par une baisse de l’imposition des personnes physiques :
- Le renforcement d’une politique publique de l’accueil des enfants. L’étude commandée par la Fondation pour l’accueil de jour des enfants évalue à 28’000 le nombre de places d’accueil préscolaire et parascolaire à créer d’ici 2030 (p.43, « Évaluation des besoins en matière de places d’accueil des enfants dans le Canton de Vaud à 5 et 10 ans », Microgis, 2018).
- Le défi découlant du réchauffement climatique et un renforcement majeur des moyens dévolus au plan climat (transports publics, mobilité douce, programme bâtiment, énergies alternatives,…).
- La consolidation du système de santé afin de faire face aux enjeux à venir, notamment découlant du vieillissement de la population. En 2030, le canton connaitra près de 35’000 seniors de plus qu’en 2020. Ce bouleversement engendrera assurément des besoins de financements supplémentaires et massifs, afin de pouvoir répondre aux besoins de cette population.
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