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La Poste reste maître de l’avenir des petits offices

24hArticle 24 Heures du 9 février 2016 – Mathieu Signorell

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Philippe Randin, Julien Eggenberger et Nicolas Rochat Fernandez (de g. à dr.) se sont heurtés de front au principe de la liberté économique. Image: Jean-Bernard Sieber/ARC

Grand Conseil: Les socialistes voulaient que les communes décident du sort de leur bureau en cas d’annonce de fermeture. Les députés refusent.

Que faire pour éviter que La Poste ne continue à fermer des petits offices de quartier ou de village par souci de rentabilité économique? En tout cas, il n’est pas question de donner un droit de veto aux Municipalités pour qu’elles puissent s’opposer à toute décision du géant jaune. Le Grand Conseil leur a refusé ce droit, mardi, en enterrant une initiative socialiste par 67 voix contre 57 et cinq abstentions. Un classique affrontement gauche-droite, en somme, avec comme principaux arguments la défense des services publics d’un côté et la liberté économique de l’autre.

C’est le député socialiste Julien Eggenberger qui est à l’origine de cette initiative. Son texte demandait que tous les projets de fermeture de bureaux de poste soient soumis «pour accord» aux autorités communales.

«Optimisation financière»

«Aujourd’hui, La Poste peut faire ce qu’elle veut et les communes doivent pouvoir dire non à des opérations de pure optimisation financière», estime le député, par ailleurs président de la section vaudoise du Syndicat des services publics (SSP). «Les autorités communales, démocratiques et légitimes, sont les plus à même de connaître les besoins de leur population.»

L’appel a été vain, tout comme celui du chef de groupe socialiste, Nicolas Rochat Fernandez. Lui s’est adressé directement à la cinquantaine de députés – principalement de droite – qui occupent aussi des postes de syndic et de municipal: «Plusieurs parmi vous sont candidats à des postes dans des Exécutifs communaux, leur a-t-il lancé. Il s’agit de savoir si nous voulons que les communes soient véritablement écoutées.»

L’idée fait partie de celles qui irritent au plus haut point le conseiller d’Etat Philippe Leuba, libéral-radical à la tête du Département de l’économie. Ce d’autant plus que l’initiative aurait donné un droit aux communes «sans qu’elles doivent assumer les conséquences financières de leur choix», selon le ministre: «Conférer à l’ensemble des communes un droit d’opposition, c’est au final miner le service public.»

«Conférer à l’ensemble des communes un droit d’opposition, c’est au final miner le service public»

La principale crainte de la droite est de voir les villes et les villages s’opposer systématiquement à chaque fermeture, quitte à mettre La Poste en difficulté. Selon Marc-Olivier Buffat, chef du groupe libéral-radical, l’entreprise connaît un déficit annuel de 100 millions de francs, compensé par les recettes de PostFinance. Pour lui, la fermeture de certains bureaux ne remet pas en cause le service postal: «La Suisse a l’offre la plus abondante d’Europe.»

L’enterrement de l’initiative socialiste jure avec une autre décision du Grand Conseil prise quelques heures auparavant. Par 73 voix contre 46 et trois abstentions, les députés ont accepté un postulat de Nicolas Rochat Fernandez. Il suggère au Conseil d’Etat de rencontrer régulièrement la direction de La Poste.

Le combat a ému le socialiste Philippe Randin, ancien responsable d’office au Pays-d’Enhaut: «Ces préoccupations me font chaud au cœur. Mais la mutation de La Poste est déjà faite. Il reste peu de choses aujourd’hui qu’on peut défendre.»

Initiative cantonale visant à donner aux autorités communales un droit de regard sur l’organisation des points d’accès au réseau postal

 Initiative déposée le 2 Juin 2015

Ces dernières années, de nombreuses fermetures d’offices de poste ont été décidées de manière unilatérale par La Poste. Celles-ci ont fait l’objet de nombreuses interventions au Grand Conseil, par exemple en 2009, l’interpellation Nicolas Rochat (09_INT_229) sur l’analyse des quarante-huit offices de poste menacés, par la question de la députée Delphine Probst (13_HQU_100) sur la situation des offices dans le Gros-de-Vaud ou encore l’interpellation Marc Oran (13_INT_155) et en réponse de laquelle le Conseil d’Etat mentionnait qu’il userait de toute sa marge de manœuvre en cas de désaccord et finalement l’interpellation Julien Eggenberger (15_INT_351) qui questionnait le Conseil d’Etat suite à de nouvelles annonces de fermetures.

A de nombreuses occasions, les habitant-e-s et les autorités communales se sont engagés pour maintenir des offices de poste.

A chaque fois, La Poste a consulté pour la forme les autorités communales mais sans réellement tenir compte de leur avis. Or les autorités communales sont les instances démocratiques légitimes les plus à même à évaluer les besoins de la population et leurs évolutions. Aujourd’hui, La Poste est donc à la fois l’entité organisatrice de son réseau et l’autorité qui statue sur les éventuels recours. Dans ce cadre, le fait que la législation sur la poste (Loi sur la poste art. 15 et Ordonnance sur la poste art. 34) donne cette compétence décisionnelle à La Poste met en échec toute possibilité d’agir contre des opérations d’optimisation financière visant à augmenter le bénéfice de l’entreprise publique au détriment des usager-ère-s des services postaux.

Finalement, les autorités communales sont les mieux placées pour évaluer si une prestation doit être modifiée, améliorée ou regroupée. Pour pouvoir leur donner un rôle actif sur cette question, une modification de la législation fédérale est nécessaire. Elle doit permettre de garantir la desserte postale comme service public garanti par la législation.

Au vu de ces différents constats, il apparaît nécessaire de modifier la procédure définissant la structure du réseau postal et c’est pourquoi nous proposons par voie d’initiative cantonale à l’intention de l’Assemblée fédérale que la législation prévoie qu’une modification du réseau postal doive être soumise pour accord aux autorités communales concernées.

Dépôt au Grand Conseil du 2 juin 2015

Julien Eggenberger

Olivier Golaz

Raphaël Mahaim

Martine Meldem

Jérôme Christen

Christiane Jaquet-Berger

Quand La Poste agira-t-elle en prestataire du service public?

Interpellation déposée au Grand Conseil du canton de Vaud le 17 février 2015 en soutien à la mobilisation des habitant-e-s du quartier

Après les nombreuses fermetures d’offices de poste, dont les dernières liées à l’analyse des quarante-huit offices en 2009 et qui avaient fait l’objet de l’interpellation Nicolas Rochat (09_INT_229), après la poursuite de cette politique mise en évidence par la question de la députée Delphine Probst (13_HQU_100) ou encore par l’interpellation Marc Oran (13_INT_155) et en réponse de laquelle le Conseil d’Etat mentionnait qu’il userait de toute sa marge de manœuvre en cas de désaccord, voilà que La Poste annonce de nouvelles fermetures d’offices, parfois camouflées en transformation en agence postale, dans les zones rurales, mais aussi urbaines et dont les offices de poste connaissent pourtant un gros volume d’activités.

Dans le quartier de La Grangette à Lausanne, un office de poste très fréquenté par les milliers d’habitant-e-s du quartier, mais aussi par les nombreuses entreprises de la zone artisanale, va être transformé en agence postale au mois de mars 2015, alors même que le quartier connaît un développement important avec la construction de plusieurs centaines de logements dans le secteur des Fiches et de la Feuillère, développement qui a même conduit l’Etat de Vaud a créé un nouvel établissement scolaire à quelques centaines de mètres de l’office en question.

Les habitant-e-s du quartier se mobilisent et ont déposé une pétition de plus de 1000 signatures, les autorités communales s’opposent à cette décision et de nombreuses entreprises, qui verront un service très utilisé et leurs cases postales être déplacés, mettent en avant les complications qu’elles vont connaître. La Poste n’invoque aucun motif dans les courriers échangés avec les représentant-e-s des habitant-e-s. Même si le service public n’a pas, par définition, à être rentable, elle ne peut se retrancher derrière le manque de rentabilité de l’office, car celui-ci connaît une fréquentation importante, en particulier aux heures d’ouverture, prouvant l’utilité économique de cette desserte. Il ne s’agit donc que d’optimisation financière visant à gonfler le bénéfice de l’entreprise publique et qui se fait au détriment des usager-ère-s des services postaux.

La transformation en agence postale liée à une pharmacie pose d’ailleurs de nombreux problèmes qui ont été relevés dans l’interpellation Christa Calpini (14_INT_206) et constitue une claire dégradation par rapport à un office aux horaires d’ouverture larges et qui offre un grand éventail de prestations.

Finalement, La Poste ne compte pas freiner le démantèlement du réseau puisque nous savons qu’elle a d’autres projets de fermeture en cours à Lausanne et qu’elle a aussi manifesté, par exemple, l’intention de fermer l’office de poste de Crans-près-Céligny. A cet égard, ayant découvert « par hasard » l’éventualité de la disparition de leur bureau de poste au profit d’une agence postale, des habitants du village ont fait circuler une pétition durant le mois d’octobre 2014. Celle-ci contient plus de 2’500 signatures, dont 1’700 provenant du seul village de Crans-près-Céligny. Elle a été transmise au Conseil d’Etat ainsi qu’à la Municipalité. Cette dernière s’est engagée à se positionner en faveur du maintien de l’office de poste dans le village dès que la Poste aurait pris sa décision. En effet, La Poste n’a pas encore officiellement confirmé la fermeture de l’office de Poste de Crans-près-Céligny.

Au vu de ces différents constats et partant du principe que la desserte postale est un service public garanti par la législation, nous posons au Conseil d’Etat les questions suivantes :

  1. La Poste a-t-elle informé le Conseil d’Etat de ses récents projets ?
  1. Quelle appréciation le Conseil d’Etat fait-il de cette politique de fermeture d’offices ?
  1. Le Conseil d’Etat a-t-il usé de toutes ses marges de manœuvre pour s’opposer à ces fermetures ?
  1. Le Conseil d’Etat soutient-il les autorités communales lorsqu’elles s’opposent à une proposition de La Poste ?
  1. Le Conseil d’Etat a-t-il connaissance d’autres fermetures à venir ?

Nous remercions d’avance le Conseil d’Etat pour ses réponses.

Julien Eggenberger, député PS


Article de 24 Heures

http://www.24heures.ch/vaud-regions/lausanne-region/mobilisation-poste-grangette/story/19118367