Auteur/autrice : jeggenbe

Moins d’impôts pour les riches

VAUD . À nouveau, l’administration fiscale vaudoise se démarque pour sa propension à favoriser les plus aisés. Au détriment du service public et de l’ensemble de la population.

Article paru dans Services publics le 17 janvier 2020

En décembre dernier, la presse dévoilait un rapport du Contrôle fédéral des finances estimant que le canton de Vaud n’applique pas correctement les dispositifs légaux cadrant l’imposition à la dépense (forfait fiscal).

CHAMPION DES FORFAITS. Pour rappel, ce régime de superprivilégiés ne devrait s’appliquer qu’à des résidents étrangers qui n’ont aucune activité lucrative sur le territoire suisse. À l’origine, il devait permettre une imposition simplifiée des rentiers étrangers. Aujourd’hui, il permet à des très riches de payer un impôt sans rapport avec leurs moyens. Le canton de Vaud est le champion des forfaits fiscaux, puisqu’un quart de tous les bénéficiaires y résident.

PAS DE REVENU POUR PAULSEN? Le fisc vaudois considère qu’une participation non rémunérée à un conseil d’administration n’est pas une activité lucrative, y compris quand le contribuable concerné est un propriétaire important de l’entreprise. Cette pratique permet par exemple à Frederik Paulsen, propriétaire de la multinationale pharmaceutique Ferring, basée à St-Prex, de présider le conseil d’administration du groupe tout en bénéficiant d’un statut fiscal réservé à des personnes sans activités lucratives. L’analyse du Contrôle fédéral des finances s’appuie sur un rapport remis par la professeure de droit fiscal de l’Université de Zurich, Madeleine Simonek. Celle-ci estime que le président, même non rémunéré, d’une grande entreprise bénéficie de gains significatifs en capital et des dividendes des actions qu’il possède. Dès lors, il est hypocrite de prétendre qu’il ne réalise pas un revenu sur le territoire suisse. Interrogé par le quotidien 24 heures, le ministre vaudois des Finances, Pascal Broulis, conteste évidemment cette analyse [1].

EN MARGE DES RÈGLES. Cette situation est d’autant plus grave que les directeurs des Finances de tous les cantons s’étaient engagés à la plus grande rigueur lors de la campagne de votation de 2014. Un devoir de surveillance avait même été attribué à l’Administration fédérale des contributions, bien que celle-ci semble peu pressée de se saisir de cette mission. Ces engagements avaient convaincu une majorité de la population de rejeter l’interdiction des forfaits fiscaux. Il faut malheureusement constater que le canton de Vaud continue d’octroyer des faveurs en marge des règles légales, au détriment de l’égalité devant l’impôt et au prix de pertes considérables pour les collectivités publiques.

COCKTAIL DE DÉDUCTIONS. Le feuilleton des différentes réformes de la fiscalité des entreprises devait aboutir à l’élaboration d’un système transparent mettant fin aux statuts spéciaux et traitant toutes les entreprises sur un pied d’égalité. Dans le canton de Vaud, un taux d’imposition du bénéfice de 13,79% avait été défini, soit une diminution de 10% pour la plupart des entreprises – mais quelques points de plus pour les holdings et les multinationales. Cette opération représentait une perte de plusieurs centaines de millions de francs, ce que le SSP dénonçait avec vigueur. De son côté, la Confédération a inclus dans la réforme fiscale (RFFA) différents outils d’optimisation fiscale (exonération des revenus provenant des brevets, déduction des frais de recherche et de développement notamment). Les cantons avaient une marge de manœuvre pour reprendre, ou non, ces outils. Vaud, qui vient de communiquer son dispositif, a décidé d’en faire un large usage. D’après différents calculs, le taux effectif d’imposition du bénéfice sera inférieur à 11% [2]. À titre de comparaison, dans le canton de Genève, le taux effectif minimum est de 13,48%. À ce jour, ni les communes, ni le canton n’ont communiqué le coût de cette opération pour les finances publiques. Une situation d’autant plus choquante que, lorsque nous nous sommes opposés à la baisse du taux cantonal en 2016, on nous a répondu que le nouveau système serait équitable, transparent et permettrait de stabiliser les ressources fiscales. À aucun moment, il n’avait été question d’une multiplication des niches fiscales.

JUSQU’À L’ÉPUISEMENT. Comme si cela ne suffisait pas, les idées fusent pour continuer à améliorer l’attractivité fiscale pour les entreprises ou les contribuables aisés (suppression du droit de timbre, déductions supplémentaires pour les familles les plus favorisées). À ce jour, le canton de Vaud a réussi à absorber ces pertes fiscales au prix d’une gestion draconienne des dépenses publiques. Mais les communes, elles, se retrouvent sous pression. En janvier 2020, environ 60% des communes vaudoises connaîtront une hausse de l’impôt sur les personnes physiques (canton + commune). La tendance n’est pas près de s’arrêter.

Le résultat de cette politique en faveur des plus favorisés est donc clair: plans d’austérité, projets abandonnés et hausses d’impôts pour la plus grande partie de la population.

 

Contexte

 

UNE RÉFORME MONDIALE DE LA FISCALITÉ

 

Depuis des décennies, la Suisse pratique une stratégie de prédation fiscale visant à attirer des multinationales en leur garantissant une fiscalité attractive. Conséquence de cette stratégie, une fraction des profits réalisés à l’étranger est (très peu) taxée ici, privant les autres pays de ressources vitales.

Pour contrer cette concurrence déloyale, les autres nations ont obtenu que la Suisse supprime les statuts spéciaux et traite toutes les entreprises de la même manière. Cette réforme, intitulée « 3e réforme de l’imposition des entreprises » (RIE3), d’abord refusée par le peuple, puis reprise, sans grande modification, dans la Réforme fiscale et du financement de l’AVS (RFFA), a été acceptée l’an dernier. Son principe: baisser les taux pour toutes les entreprises en espérant ainsi garder les multinationales sur le sol helvétique.

Dans l’intervalle, l’OCDE a lancé un processus visant à harmoniser l’imposition des multinationales au niveau mondial. Ce projet vise à remplacer le principe de la taxation au siège social par celui d’une taxation dans les pays où les biens sont exportés et vendus, et où les bénéfices sont générés. Cette réforme devrait permettre de régler la difficulté à taxer les sociétés actives sur internet. L’évolution semble aller dans le bon sens. Elle mettra cependant la Suisse dans une situation compliquée et risque de provoquer une nouvelle chute des recette fiscales.

Tant que les autorités suisses raisonneront en termes d’attractivité fiscale, elles devront enchaîner les réformes et videront les caisses publiques. Et les mauvaises nouvelles pour la population et les services publics ne finiront pas de tomber !

[1] 24 heures, 19 décembre 2019.

[2] 24 heures, 7 janvier 2020.

RIE3, RFFA: non, c’est non!

NON à la nouvelle arnaque fiscale !

Le 19 mai prochain, nous voterons sur la Loi relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA). Il s’agit d’une nouvelle arnaque fiscale. Mobilisons-nous pour la mettre en échec!

Les partisan.e.s de la RFFA essaient d’accréditer l’idée qu’elle constitue une réponse à deux échecs antérieurs: la troisième révision de l’imposition des entreprises (RIE III), balayée en votation populaire en février 2017; la réforme du système de retraite (PV 2020), qui avait subi le même sort en septembre 2017. Voter «oui», ce serait ainsi faire d’une pierre deux coups.

De belles promesses…

En réalité, le véritable enjeu, le 19 mai prochain, c’est le régime d’imposition des entreprises; les choix essentiels concernant l’AVS ne seront à l’ordre du jour que lorsque le Conseil fédéral présentera son projet AVS 21, après l’été. Prétendre que voter «oui» à la RFFA permettrait d’enterrer la perspective de la hausse de l’âge de la retraite pour les femmes est dès lors sans fondement. Le Conseil fédéral n’a d’ailleurs pas renoncé à une telle hausse. Loin s’en faut. Elle constituera certainement l’une des principales mesures de son projet AVS 21. Les déclarations de Christian Levrat et consorts sont donc de belles promesses qui n’engagent, comme chacun.e le sait, que ceux qui y croient… De même, parler de «compensation sociale», en référence au financement supplémentaire pour l’AVS prévu par la RFFA, est un abus de langage, si ce n’est une tromperie: les retraité.e.s, actuel.le.s et futur.e.s, ne toucheront pas un franc de plus.

La sœur jumelle de la RIE III

Bref, c’est bel et bien du régime d’imposition des entreprises dont il est question, pour l’essentiel, le 19 mai. Or, en la matière, ce qui nous est proposé, c’est à peu près le même projet qu’en février 2017. Sur le plan fiscal, la RFFA est en effet la sœur jumelle de la RIE III. Les deux éléments principaux de cette dernière sont encore là: de nouvelles niches permettant aux entreprises de réduire massivement la part des bénéfices soumise à l’impôt; la diminution tout aussi massive du taux d’imposition des bénéfices. Nous sommes ainsi toujours dans «la logique de beurre et d’argent du beurre», au profit des possédant.e.s, que dénonçait à l’époque Roger Nordmann, le président du groupe socialiste aux Chambres fédérales.

On ne parle pas de cacahuètes, mais de milliards de francs de nouveaux cadeaux fiscaux. Ce sont les grands actionnaires des entreprises les plus rentables qui se partageront le pactole. Pourtant, ils ne sont vraiment pas à plaindre: jamais autant de dividendes n’ont été versés qu’au cours de ce printemps!

Des coupes massives dans les services publics…

De tels cadeaux ne seront pas sans conséquences. Les salarié.e.s des services publics et du parapublic en paieront le prix: blocage des salaires, intensification du travail, remise en cause des prestations de retraite, etc. Cela se traduira également par des coupes massives dans les services publics, au détriment de la qualité des soins dans les hôpitaux, du développement des crèches, de la prise en charge des personnes âgées, etc. Or, les services publics souffrent aujourd’hui déjà d’un manque avéré de ressources. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, dans le parascolaire (4 à 12 ans) vaudois, seuls 40% des besoins sont couverts en moyenne cantonale.

… au seul profit des 1% d’ultra-riches

En conclusion, la RFFA ne profitera qu’aux 1% d’ultra-riches. Ils pourront sabrer le champagne, mais c’est l’immense majorité de la population – les 99% – qui aura la gueule de bois…

Texte: Syndicat des services publics SSP

Plus d’informations sur le site de campagne du SSP !


Le 9 avril, j’ai été invité à défendre cette position devant le Congrès du parti socialiste vaudois, sans succès malheureusement. Ma présentation est disponible ici.

Depuis 1916, au service des associations, syndicats et partis de progrès social!

La Maison du peuple est gérée par la coopérative du Cercle ouvrier lausannois. Créée en 1916, celle-ci a été fondée pour offrir aux organisations ouvrières un lieu de réunion et de culture à Lausanne. Près d’un siècle plus tard, le Cercle ouvrier lausannois est resté fidèle à sa vocation: la Maison du peuple est un lieu d’échange au coeur de la ville. En plus de logements, de bureaux et de commerces, la Maison du peuple abrite un restaurant, un bar, ainsi que des salles à disposition du monde associatif, syndical et politique.
La coopérative du Cercle ouvrier lausannois a des projets pour développer son offre à l’attention du monde associatif lausannois et moderniser le bâtiment.
En adhérant au Cercle ouvrier lausannois, vous devenez coopérateur, soutenez la Maison du peuple et profitez de nombreux avantages.
Qui peut devenir membre? Aussi bien des individus que des associations ou des entreprises. C’est le Conseil d’administration qui statue sur les nouvelles adhésions.
Comment devenir membre? C’est tout simple, pour devenir membre, il faut acquérir un minimum de trois parts sociales d’une valeur de Fr. 100.- chacune. L’adhésion coûte donc Fr. 300.-. Si vous souhaitez acquérir des parts sociales, dirigez-vous sur le site du Cercle ouvrier lausannois.
Pourquoi devenir membre? Les membres bénéficient d’un rabais sur toutes les locations de salles. Comme membre, vous bénéficiez aussi d’un taux d’intérêt très intéressant sur vos part sociales. Ces dernières années, la rémunération des parts sociale s’est élevée à 2%. Enfin, vous soutenez la Maison du peuple et pouvez participer à la vie de la coopérative.

Pédagogie spécialisée: Cesla Amarelle remet l’ouvrage sur le métier

Le Temps – 10 février 2018

La nouvelle ministre vaudoise de l’Education veut un dispositif global pour intégrer au mieux les élèves à besoins particuliers. Le syndicat SSP salue cette nouvelle approche, qui retarde l’entrée en vigueur de la loi

Ils souffrent d’un handicap moteur, de troubles cognitifs ou encore ne parlent pas le français: pour venir en aide à ces élèves à besoins spécifiques, la conseillère d’Etat Cesla Amarelle veut un cadre global et non plus une multitude de directives prises au coup par coup. Ce changement d’approche, par rapport à celle que défendait Anne-Catherine Lyon, la précédente patronne de l’Instruction publique, aura pour conséquence de retarder d’un an l’introduction de la loi sur la pédagogie spécialisée (LPS), censée entrer en vigueur en août prochain. Le règlement d’application, en l’état très complexe, doit en effet être adapté au nouveau concept cantonal.

Pour l’élaborer, la cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture a annoncé vendredi le lancement d’une vaste consultation avec les acteurs du terrain: enseignants et éducateurs, mais aussi psychologues, logopédistes ou encore assistants sociaux. Une fois la ligne définie, les établissements bénéficieront de davantage d’autonomie pour concocter leur propre dispositif et l’adapter en fonction des résultats.

Vision large et transversale

L’élève issu de la migration n’a pas les mêmes besoins que l’adolescent en révolte ou encore que celui qui souffre d’un retard de langage. «Le premier bénéficiera, entre autres, de cours de français, le second d’un soutien socio-éducatif et le troisième travaillera avec un logopédiste, détaille Cesla Amarelle. Mais au-delà de ces réponses personnalisées, il est nécessaire d’avoir une approche transversale, une vision large, pour répondre au défi que représente l’intégration de milliers d’élèves en difficulté.» Quels moyens seront mis à disposition pour y parvenir? «La LPS prévoit un financement de 12 millions de francs sur quatre ans, pour autant que le Grand Conseil vote le budget année après année», répond la conseillère d’Etat.

Les enseignants sont déjà confrontés à une surcharge de travail et peinent à gérer des classes qui comptent parfois plusieurs cas difficiles

Julien Eggenberger, président du SSP Vaud

«En dix ans, le budget dévolu à l’enseignement spécialisé est passé de 50 à 80 millions de francs, précise Serge Loutan, chef du Service de l’enseignement spécialisé. Malgré tout, le sentiment du terrain est qu’il n’y a toujours pas assez de ressources.» Actuellement, quelque 400 psychologues, psychomotriciens et logopédistes (215 équivalents plein-temps) interviennent dans les écoles vaudoises, soit environ deux par établissement. A quoi s’ajoutent quelque 400 éducateurs et enseignants spécialisés sur les 9000 que compte le canton.

«Il faudra juger sur pièce»

Du côté des syndicats, le changement de philosophie réjouit. «Il était temps de renverser la réflexion, de partir du besoin identifié sur le terrain pour élaborer des solutions et non pas de réfléchir par services, en silos», estime Julien Eggenberger, président du SSP Vaud et lui-même enseignant. Quitte à retarder l’arrivée d’une loi espérée depuis plusieurs années? «Oui, le jeu en vaut la chandelle. Naturellement, ce report suscite aussi des craintes et des attentes encore plus grandes au sein de la profession. Il faudra juger sur pièce.»

Surcharge pour les enseignants

Au cœur des préoccupations du syndicaliste: les moyens à disposition pour l’école inclusive. «Les enseignants sont déjà confrontés à une surcharge de travail et peinent à gérer des classes qui comptent parfois plusieurs cas difficiles. Si on veut renforcer la détection précoce des élèves à besoins particuliers, les psychologues ou les logopédistes devront venir observer les classes de 1re enfantine, cela signifie qu’ils auront moins de temps à consacrer aux enfants déjà suivis. Nous voulons éviter ce dilemme.»

24 Heures: L’école inclusive épuise les profs

Vaud Le Syndicat SSP pointe la dégradation des conditions de travail en 1 à 8P et demande notamment que l’aide à l’intégration des élèves souffrant de troubles soit renforcée.

L’usure guette les enseignants du primaire,selon le syndicat SSP.

L’usure guette les enseignants du primaire,selon le syndicat SSP. Image: KEYSTONE

«Depuis plusieurs années, la réalité du métier a évolué et les conditions de travail se sont dégradées dans les cycles primaires, lâche le président du SSP Vaud Julien Eggenberger, lui-même enseignant. Les retours du terrain sont unanimes. De plus en plus vite, ceux qui commencent le métier passent à temps partiel et de moins en moins veulent assurer une maîtrise de classe.» L’une des raisons importantes que soulève le SSP concerne la délicate question de l’intégration des élèves souffrant de troubles ou de handicaps. Ils ont des besoins particuliers et sont de moins en moins orientés dans des institutions parapubliques spécialisées. Le Canton de Vaud a rattrapé son retard dans le domaine de l’école inclusive, une philosophie qui n’est du reste pas critiquée dans son principe. Mais cette orientation a alourdi la barque pour les instituteurs et institutrices, souvent seuls au front.

Une gestion de classe compliquée

«Une fois qu’un problème est identifié vis-à-vis d’un élève, il n’est pas rare qu’il faille attendre un an voire plus avant d’obtenir une aide, témoigne Elise Glauser, enseignante de 1-2P sur la Riviera et membre de la direction du SSP Vaud. Pendant ce temps, il faut gérer une classe avec un enfant qui a un trouble aigu, c’est très compliqué.» Quand des professionnels entrent enfin en jeu (logopédistes, psychomotriciens, enseignants spécialisés, etc.) vient un autre casse-tête administratif. «L’Etat n’a pas anticipé l’énorme travail de coordinations entre les différents professionnels et les parents que doit assumer le maître de classe, reprend l’enseignante. On dit souvent que la pause de midi a disparu en primaire.»

Le SSP demande notamment qu’un dispositif de dépistage précoce des difficultés des élèves soit mis en place, que les délais pour faire un bilan et obtenir une aide de la part du Service de l’enseignement spécialisé (SESAF) soit grandement raccourci (lire encadré). Et qu’une campagne de recrutement et de promotion soit lancée pour la filière d’enseignement spécialisé: trop peu de personnes seraient formées pour répondre à la demande.

«Il y a en effet une tension entre l’expression des besoins et l’attribution des moyens»

Syndicat minoritaire dans les cycles primaires – où les enseignants sont davantage à être affiliés à la Société pédagogique vaudoise (SPV) –, le SSP Vaud frappe un grand coup pour marquer le terrain. Le contexte n’est pas anodin: une nouvelle conseillère d’Etat a pris en main cet été le Département de la formation. Et elle a les mains dans le cambouis avec l’élaboration du Règlement de la loi sur la pédagogie spécialisée. Un véritable pensum où chaque secteur professionnel défend son pré carré.

Cesla Amarelle ne nie pas les difficultés que rencontrent les enseignants du primaire. «Il y a en effet une tension entre l’expression des besoins et l’attribution des moyens. Pour les prestations de pédagogie spécialisée, et encore plus particulièrement pour l’intervention des logopédistes, psychomotriciens ou psychologues, il est donc nécessaire d’évaluer les demandes en termes de gravité et d’urgence. Ce qui peut générer une attente.» La ministre rappelle néanmoins que l’Etat s’est doté de moyens importants pour relever le défi de l’école inclusive: «Ces dix dernières années, le Département a engagé un nombre significatif d’enseignants spécialisés pour l’aide à l’intégration dans les établissements scolaires. Concernant la prise en charge des prestations de logopédie indépendante, le budget cantonal a augmenté de 60%», illustre-t-elle.

«Des principes à rediscuter»

L’avenir devrait en outre s’éclaircir avec l’entrée en vigueur, en août prochain, de la loi sur la pédagogie spécialisée (lire ci-contre). Plus généralement, la conseillère d’Etat n’exclut pas de rediscuter certains principes pour simplifier et accélérer le dispositif. «Il y a une réflexion à mener avec l’ensemble des acteurs, car les enseignants doivent être soutenus dans leur implication en faveur de l’intégration à l’école. Il faut aussi éviter que l’institution spécialisée soit perçue comme une sanction, alors que c’est un lieu très important pour que des élèves puissent se développer.» Cela dit, précise la socialiste, «le canton de Vaud est loin du tout intégratif». Le nombre d’élèves souffrant d’un trouble ou d’une déficience suivant le cursus dans une classe ordinaire est d’environ 1000, soit à peine plus de 1% des élèves de l’école obligatoire. Quelque 1500 autres sont en outre scolarisés ensemble dans des classes de développement et 1400 le sont dans des institutions de pédagogie spécialisées.

L’école inclusive n’explique pas seule l’usure que ressentent les profs, lit-on dans le rapport du SSP. «L’évolution du métier tient pour beaucoup à des facteurs extérieurs à l’école, d’ordre sociétaux. Ce ne sont plus les mêmes élèves, plus les mêmes parents qu’il y a trente ans», relève Julien Eggenberger. Même s’ils restent très minoritaires, de plus en plus d’enfants sans trouble particulier ont des problèmes de comportements à même de faire exploser la classe. La conseillère d’Etat a d’ailleurs annoncé cet été le lancement d’un projet-pilote socio-éducatif dans six établissements pour soulager le corps enseignant. (24 heures)

Permettre aux réfugiés de continuer leur formation

24hRubrique « L’invité » 24 Heures du 21 juin 2017

L’actualité internationale met en lumière la situation des requérants d’asile et des réfugiés et de l’aide qui doit leur être apportée. Aujourd’hui, notre pays accueille déjà de nombreux migrants dont une partie obtient un statut durable de résident. Des résidents à qui il s’agit de permettre de s’intégrer et de leur donner les moyens de vivre de manière autonome. Cela passe évidemment par une formation. Dans notre canton, les dispositifs en place à l’école obligatoire permettent de répondre de manière globalement satisfaisante à ce défi. Au secondaire II, des améliorations sont en cours et doivent être intensifiées, notamment dans la formation professionnelle.

Certains de ces réfugiés arrivent avec un diplôme et d’autres ont dû interrompre leurs cursus. Or, confrontés à des obstacles administratifs et linguistiques souvent insurmontables, ils n’ont que très rarement accès aux hautes écoles de Suisse, en particulier lorsqu’il s’agit de terminer un cursus. Les nombreuses exigences à remplir avant de pouvoir intégrer une haute école les empêchent parfois d’accéder ou de poursuivre une formation pourtant nécessaire à leur intégration. En effet, rares sont les réfugiés qui disposent immédiatement des preuves nécessaires à leur admission ou qui parviennent à démontrer l’équivalence de leur diplôme ou maturité. Ils peinent aussi à atteindre le niveau linguistique requis, les cours de langues adéquats pouvant être chers et peu accessibles.

Les projets d’accompagnement des réfugiés initiés dans les universités de Genève (Programme „Horizons académiques“), de l’ETHZ et de Bâle attestent d’un besoin. L’Université de Lausanne a déjà traité quelques situations au cas par cas. Des mesures sont possibles pour renforcer l’accès des réfugiés aux hautes écoles. A cette fin, il faut à la fois développer un programme de mise à niveau linguistique spécifique aux hautes écoles et un accompagnement, par exemple par mentorat.

La possibilité de commencer ou de terminer des études et donc d’obtenir un titre reconnu permet ensuite plus facilement de s’intégrer et de vivre de manière autonome. La société a donc tout à gagner à prendre des mesures dans ce sens. Plutôt que de dénoncer la nécessaire assistance offerte aux migrants, il semble plus judicieux de rendre plus aisée la formation, sans passe-droit, ni concession sur le niveau requis. Il faut maintenant étoffer les possibilités existant à l’UNIL et les élargir aux autres hautes écoles vaudoises.

Le Grand Conseil vaudois aura l’occasion de s’engager dans ce sens dans le cadre de l’examen d’un postulat intitulé « Faciliter la poursuite des études pour les étudiants avec statut de réfugié et leur accès aux Hautes écoles ».

Renforcer l’enseignement de l’allemand par une amélioration du recrutement des enseignant-e-s !

Postulat déposé le 13 juin 2017 au Grand Conseil du canton de Vaud

Le débat sur les langues nationales rappelle l’importance cruciale de l’enseignement d’une deuxième langue nationale à l’école obligatoire. Un enjeu de cohésion nationale, mais aussi un enjeu pour favoriser les chances d’intégration professionnelle et sociale.

Le large développement de cet enseignement dans notre canton s’est concrétisé dans le cadre de la Loi sur l’enseignement obligatoire avec l’anticipation d’un apprentissage formel en 5 et 6P et la systématisation de cette discipline en 9-11S. L’enseignement d’une langue 2 en classe, à raison de quelques périodes par semaine, est une ambition très élevée qui nécessite de recruter de nombreux enseignant-e-s qualifié-e-s. Or, depuis de nombreuses années, les établissements de la scolarité obligatoire rencontrent des difficultés importantes à recruter des titulaires des titres requis si bien qu’une part significative des cours d’allemand sont pris en charge par des enseignant-e-s qui ne détiennent pas de tels titres. Cette situation s’explique par l’important développement mentionné précédemment, mais aussi par un cursus de formation pensé pour des francophones qui s’engagent dans un cursus académique dans une université romande. Il s’agit évidemment de continuer à encourager l’intérêt des francophones à se former à l’enseignement de l’allemand dans le cadre de ce cursus « traditionnel », mais il apparaît que cela ne suffira probablement pas.

La présence de nombreux germanophones dans notre pays devrait constituer un important réservoir de recrutement et il est utile de rappeler l’intérêt de pouvoir aussi compter sur des enseignant-e-s dont la langue enseignée est leur langue maternelle. Un programme ambitieux d’échanges d’enseignant-e-s et de recrutement dans les cantons alémaniques, dont certains ne connaissent pas de pénurie d’enseignant-e-s, devrait contribuer à palier ces difficultés. Mais cela ne suffira pas car des obstacles administratifs freinent certaines candidatures. En effet, lorsqu’un établissement procède à l’engagement d’un-e enseignant-e venant de Suisse alémanique, celui-ci se voit offrir un salaire fortement retranché s’il ne possède pas les titres requis. Ce qui est normal si l’on considère les qualifications nécessaires à l’exercice de cette profession. Ce qui n’est pas normal, c’est de constater les obstacles importants rencontrés par un germanophone qui souhaiterait accéder à la Haute école pédagogique du canton de Vaud, notamment parce que la procédure prévoit que cette dernière délègue à l’Université de Lausanne l’examen des titres présentés à l’admission. Les facultés compétentes ont donc naturellement pour pratique de comparer le parcours du candidat avec leur propre cursus. Ceci a pour conséquence de demander des compléments importants qui sont souvent rédhibitoires. Aujourd’hui, de nombreux candidat-e-s préfèrent tenter leur chance ailleurs, là où les conditions d’admission sont plus adaptées, les titres pédagogiques étant reconnus dans tous les cantons. Et ainsi, notre canton se prive de leurs compétences.

Convaincus que l’enseignement de l’allemand dans la scolarité obligatoire est un enjeu essentiel et que ce dernier nécessite des enseignant-e-s qualifiés, les soussignés demandent au Conseil d’Etat d’étudier :

  1. Le développement d’un programme d’échanges d’enseignant-e-s entre les régions linguistiques.
  2. Le développement d’un programme de recrutement d’enseignant-e-s dans les régions germanophones de Suisse.
  3. Les adaptations nécessaires afin de favoriser l’accès des germanophones candidat-e-s à une formation d’enseignant-e.

Centenaire du SSP – Lausanne

Discours à l’occasion du centenaire de la section de Lausanne (1916-2016) fêté le 15 mai 2017

Chères et chers collègues,

Merci à la section de Lausanne pour cette fête du centenaire, occasion de dire quelques mots.

Imaginons-nous : 1916 Lausanne, alors que la population subit les privations liées à la guerre, que les hommes sont mobilisés, sans indemnisation laissant les familles dans la misère, la vie continue malgré tout.

1916, c’est aussi une naissance, celle de la maternité de Lausanne. Mais aujourd’hui, c’est d’une autre naissance dont il est question. On peut essayer d’imaginer nos collègues, en 1916, qui se réunissent pour fonder une association d’employés communaux, association qui sera fédérée dans la Fédération nationale des employés communaux. Dès les années 1890, dans diverses villes du pays, les employé-e-s s’organisent, revendiquent, défendent leurs intérêts. En 1920, la jeune fédération des employés des communes et des états fusionnent avec la fédération des employés des tramways, présentes en CH alémanique. En CH romande, c’est dans ce qui deviendra le SEV que le personnel des transports communaux s’organisent. En 1924, la Fédération suisse des ouvriers des communes et des Etats prend le nom de Fédération suisse du personnel des services publics (V.P.O.D.). En Suisse romande, le syndicat s’appellera « la VPOD » jusqu’en 1982, année à partir de laquelle il prend le nom de « SSP – Syndicat des services publics». Le syndicalisme, lorsqu’on s’intéresse à son histoire, c’est donc d’abord l’émergence de la conscience d’un intérêt commun des salariés. Une conscience qu’il faut sans cesse raviver dans une société qui cultive la réussite individuelle et la mise en concurrence.

1916, c’est aussi l’année de l’incident de Lausanne. Pendant la guerre, la Suisse est divisée. La Suisse romande est clairement pro-francaise. C’est ainsi que le 27 janvier, des Lausannois viennent manifester devant le consulat d’Allemagne sous les cris de « enlevez-le ! ». Ils parlaient du drapeau impérial qui avait été installé sur la facade du consulat à l’occasion de l’anniversaire du Kaiser. Dans le feu de l’action, un jeune Lausannois, Marcel Hunziker, l’arrache provoquant un incident diplomatique sans précédent, obligeant les autorités communales, cantonales et fédérales à présenter leurs excuses auprès du gouvernement allemand. Ceci pour rappeler que le SSP a porté le combat pacifiste et internationaliste dans le mouvement syndical suisse, encore aujourd’hui. C’est ainsi que nous nous engageons pour l’éducation citoyenne et la défense des droits fondamentaux, pour les réfugiés et les droits des migrants, que nous soutenons des projets de constructions syndicales dans de nombreux pays, du Burkina Faso au Mexique, que nous nous engageons activement pour défendre les personnes menacées, nous avons dernièrement accueillis dans le cadre de notre syndicat des collègues de Turquie. On le voit, les idéaux de 1916 sont toujours vivants !

1916, c’est aussi l’année de l’inauguration de l’actuelle gare de Lausanne. Les chemins de fer constituent un des premiers services publics développés dans l’ensemble du territoire national. L’histoire a montré que l’interventions de l’Etat est le meilleur moyen pour réguler les dérives de l’économie capitaliste et offrir des prestations de qualité à toutes et tous, sans distinction de sexe, de revenu ou d’origine. La lutte contre les privatisations et la destructions des statuts de la fonction publique, sous prétexte de modernité, de libération des énergies, est emblématique de l’histoire de notre organisation syndicale. Le dévelopement du SSP dans notre canton connaît plusieurs étapes évidemment, mais la vague néo-libérale des années 1990 constitue assurément le départ d’une forte progression des effectifs, de même que l’émergence d’une plus grande conflictualité sociale. Encore aujourd’hui, le SSP est réputé pour être un interlocuteur social exigeant, capable de mobiliser le personnel. C’est ce que nous avons pu voir encore une fois cet automne dans le cadre de la phase finale du projet Equitas.

Cette histoire, nous en sommes fiers. Cette histoire nous en sommes les dépositaires. A ce titre-là, nous avons une responsabilité, celle de nous engager, ici et ailleurs, pour lutter pour améliorer les conditions de vie, pour développer le services publics, pour nous opposer aux discriminations et développer les droits de toutes et tous. Nous défendons une société de progrès social. Nous avons beaucoup d’opposants. Dans ce combat, la section SSP de Lausanne est un exemple, un exemple d’endurance, un exemple d’engagement, un exemple de détermination. Au nom de la région Vaud du SSP, je souhaite apporter mes salutations à vous qui faites vivre le SSP aujourd’hui, mais aussi, et ils sont nombreux ici, mes remerciements à ceux qui étaient à votre place pendant les décennies passées. Je souhaite aussi transmettre des encouragements à ceux qui vont continuer cet engagement.

Vive le SSP ! Vive le mouvement syndical ! Vive le progrès social !